Le profil d'apprentissage des étudiants inscrits dans un certificat de cycle offert à distance et sur campus:
Une étude comparative

Louise Sauvé

Jean-Réal Nadeau

Gilbert Leclerc

VOL. 8, No. 2, 19-35

Résumé

Au Québec, deux types d'enseignement universitaire sont offerts aux adultes : l'enseignement traditionnel et la formation à distance. La recherche en cours a tenté de répondre à la question suivante: « Existe-t-il une différence entre les caractéristiques individuelles des étudiants admis dans un programme offert sur campus et ceux admis dans un programme offert à distance? » Quatre hypothèses ont été formulées et des questionnaires sur le profil d'apprentissage ont été remplis par 335 étudiants en sciences humaines. Les résultats démontrent qu'il existe effectivement une différence significative au plan des motifs d'études, du style d'apprentissage, du style cognitif et du lieu de contrôle.

Abstract

In Quebec, there are two types of higher education offered to adults: conventional education and distance education. This research has attempted to answer the following question: "Is there a difference as to the individual characteristics of students registered in an on-campus program and students in an off-campus program?" Four hypotheses have been formulated and a set of questionnaires of learning profile were carried out by 335 students in human sciences. The results show that there is indeed a significant difference in study motives, learning styles, cognitive styles, and locus of control.

Introduction

Les modèles et les pratiques de l'enseignement1 traditionnel s'appuient sur la communication directe entre l'enseignant et l'enseigné comme élément majeur de la dynamique pédagogique (Dieuzeide, 1985; Shale, 1988). Dans ce type d'enseignement, le professeur demeure le canal principal de l'enseignement et la source privilégiée qui donne accès aux savoirs, malgré l'avènement des médias. Quant à l'étudiant, il doit quitter son domicile pour se rendre dans un nouvel environnement à la fois physique et social pour recevoir un enseignement qui sera offert en grande partie sur un mode oral. Il appartient à un groupe d'au moins quinze étudiants qui suivront ensemble un cours. Son rythme de travail est habituellement celui du groupe et il est géré par le professeur responsable.

La formation à distance est avant tout un enseignement médiatisé où le professeur et l'étudiant sont séparés dans l'espace et/ou dans le temps. L'essentiel des fonctions assumées normalement par un professeur dans une salle de cours est effectué par l'intermédiaire de moyens techniques; en d'autres mots, l'enseignement est préparé par un professeur ou une équipe pédagogique sous forme d'imprimés, d'audiocassettes, de vidéocassettes ou d'outils informatiques. Dans cet enseignement2, le matériel didactique sert de communication avec l'étudiant et assure la liaison entre l'étudiant et le savoir. Le travail du professeur s'effectue dans les phases antérieures à l'offre de cours et en des lieux qui n'ont souvent rien à voir avec les temps et les lieux utilisés par l'étudiant. Quant à l'étudiant, c'est un adulte appelé à travailler seul, chez lui, dans une atmosphère qui lui est propre. Il doit parfois participer à des ateliers où il rencontre un nombre restreint de personnes et ses contacts avec l'université se font généralement par l'intermédiaire d'un tuteur. Il doit gérer lui-même son temps, son rythme d'étude et développer, en partie du moins, sa propre démarche d'apprentissage.

Ces deux formes d'enseignement qui utilisent des moyens de diffusion différents rejoignent-ils également des clientèles différentes? Quel est le profil d'apprentissage des étudiants qui s'inscrivent dans un programme de formation à distance? Diffère-t-il des étudiants qui apprennent dans un établissement traditionnel de formation? Selon Dalceggio (1990), la clientèle de l'enseignement à distance au Québec est mal connue et peu d'études existent sur le sujet. On sait toutefois qu'il s'agit surtout d'adultes.

Afin de trouver quelques réponses à ces interrogations, une recherche longitudinale3 a déterminé le profil d'étudiants inscrits durant l'année académique 1989–1990 dans trois universités québécoises. Puis, elle a vérifié s'il existe des différences entre les étudiants qui s'inscrivent dans une université à distance (Télé-université) et ceux qui s'inscrivent dans une université traditionnelle (Université de Sherbrooke et Université Laval) en regard de certaines caractéristiques individuelles : les motifs d'études, le style d'apprentissage, le style cognitif et le lieu de contrôle.

Tout d'abord les caractéristiques individuelles seront définies, suivi de l'état de la recherche par rapport aux caractéristiques individuelles retenues dans cette étude, des hypothèses et de la méthodologie utilisée. Enfin, les résultats obtenus seront décrits.

Les CaractéRistiques Individuelles

Les caractéristiques individuelles sont les traits d'un individu qui font en sorte que ses comportements se différencient de ceux des autres individus. Les caractéristiques individuelles sont des construits théoriques, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas observables et se mesurent par l'intermédiaire des comportements qu'elles influencent (Viau & Barbeau, 1991, p. 12).

Snow et Farr (1987) ont classifié les caractéristiques individuelles en trois catégories : cognitive (aptitudes intellectuelles et connaissances antérieures), conative (style d'apprentissage, style cognitif) et affective (motivation, anxiété et émotions). La présente recherche s'est limitée à l'étude de quelques caractéristiques individuelles.

L'éTat de la Recherche

Reconnaissant que la recherche n'a pas suffisamment pris en compte les différences individuelles dans l'évaluation des systèmes d'enseignement (Snow, 1987) d'une part et qu'il n'est pas possible de prendre en compte toutes les différences individuelles car elles sont trop nombreuses d'autre part, cette recherche s'est attardée aux caractéristiques qui ont fait l'objet de recherche sur l'individualisation de l'enseignement: les motifs d'études, le style cognitif, le style d'apprentissage et le lieu de contrôle.

La Motivation

La motivation est une caractéristique affective qui se définit comme « un état dynamique qui prend son origine dans les perceptions qu'a un individu de lui-même et de son environnement, et qui a pour fonction de l'inciter à s'engager dans une action et à persister dans son accomplissement afin d'atteindre un but » (Viau & Barbeau, 1991). Il faut reconnaître qu'il existe autant de définitions de la motivation qu'il existe de courants de pensée en psychologie. Dans cette recherche, la motivation est mesurée par les motifs de participation des adultes à des études universitaires, au moment de leur inscription (Boshier, 1971).

Les perceptions et les croyances, les attentes et les besoins, la valeur des renforcements et le désir intrinsèque d'accomplissement se manifestent, entre autres, lors de l'examen des motifs incitant des adultes à s'engager dans des programmes d'études. Plusieurs recherches sur ce sujet ont permis d'élaborer divers modèles pour expliquer les facteurs influençant la participation et pour tenter de prédire les succès ou les abandons. Dans cette recherche, le modèle de Boshier a été retenu.

Boshier (1973) explique la participation par l'interaction entre les facteurs personnels et les facteurs sociaux. La congruence entre les perceptions que le participant a de lui-même et celles qu'il a de son environnement éducatif détermine son engagement ou sa non-participation, sa persistance ou son abandon. Boshier classe les motivations des adultes inscrits à un programme éducatif en six catégories: relations sociales, attentes externes, intérêt humanitaire, formation ou perfectionnement professionnel, évasion/ stimulation, intérêt culturel ou cognitif. Que dit la recherche sur les motifs d'études des personnes qui s'inscrivent dans une université traditionnelle ou à distance?

Morgan, Gibbs et Taylor (1980) ont comparé des étudiants inscrits dans des programmes de formation à distance (Open University) à un groupe d'étudiants réguliers (sur campus). Ils ont constaté que les étudiants à distance ont des motivations qui tenaient davantage du plaisir d'apprendre (motivation intrinsèque) alors que les étudiants sur campus étaient plus motivés par les qualifications offertes dans les cours (motivation extrinsèque). Harper et Kember (1986) arrivent à des résultats similaires. Kahl et Cropley (1986) remarquent que les étudiants sur campus expriment des raisons très générales pour étudier alors que les étudiants à distance ont des raisons plus spécifiques, telles que obtenir un diplôme, connaître les nouveaux développements et combler des lacunes de formation.

Pietrowski (1984) a établi que les étudiants qui ont un style cognitif indépendant du champ4 fonctionnent avec des attentes internes (motivation intrinsèque) tandis que les étudiants dépendants du champ semblent motivés par des attentes externes (motivation extrinsèque). Coggins (1988) conclut que les étudiants qui complètent un programme à distance sont motivés par les facteurs intrinsèques. Ces résultats sont contraires à ceux de Fawcett (1990) qui montrent que les étudiants qui complètent leurs études à distance ont des motivations extrinsèques, telles que l'acquisition de compétences et de crédits en vue d'une promotion.

Enfin, Wong (1992), à l'aide d'un questionnaire développé par Ramsden (1983) et adapté au contexte de la formation à distance, montre que les étudiants à distance ont une motivation extrinsèque moins élevée que les étudiants qui sont sur campus. Cette motivation extrinsèque serait reliée à la compétition présente dans les études conventionnelles.

Les résultats des recherches étant divergents, une hypothèse nulle a été formulée.

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne les motifs d'étude entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Le Style D'Apprentissage

Le style d'apprentissage est défini comme les comportements distinctifs aux plans cognitif, affectif, physiologique et sociologique; ces comportements servent d'indicateurs relativement stables de la façon dont un individu perçoit et traite l'information, interagit et répond à l'environnement d'apprentissage (Keefe, 1979). Le style d'apprentissage est donc un concept plus large et plus englobant que celui de style cognitif. Ce dernier se limite à la dimension cognitive, tandis que le premier inclut également les aspects affectif, physiologique et sociologique. Les deux sont relativement stables dans le temps, mais certaines recherches tendent à démontrer la possibilité d'un certaine évolution du style cognitif aussi bien que du style d'apprentissage par suite d'interactions de l'individu avec son environnement (Flamand, 1982b). Il existe plusieurs instruments de mesure du style d'apprentissage. L'instrument de mesure de Kolb (1976) qui s'inspire de la théorie de Jung a été utilisé dans cette recherche. Cet instrument « Learning Styles Inventory » identifie quatre styles d'apprentissage différents: divergeur, assimilateur, convergeur et adaptateur.

Willet et Adams (1985) suggèrent que les étudiants qui suivent des cours à distance ont un style d'apprentissage particulier et différent de celui des étudiants sur campus. En utilisant le questionnaire de Canfield (1980) sur les préférences d'apprentissage, les auteurs ont démontré que les étudiants suivant des programmes d'étude à distance ont des préférences pour certaines conditions d'apprentissage qui sont significativement différentes de celles des apprenants traditionnels: les étudiants à distance préfèrent de bonnes relations interpersonnelles avec le professeur ainsi qu'avec les autres étudiants, travailler avec les mots, le langage, la lecture et enfin, ils ont de faibles attentes en terme de performance.

Harper et Kember (1986) ont comparé le style d'apprentissage de 348 étudiants suivant un cours à distance à ceux de 431 étudiants suivant ce même cours sur le campus. Contrairement à l'étude citée précédemment, ils montrent qu'il n'existe pas de différences significatives entre les deux groupes. Fawcett (1990), utilisant le questionnaire de Kolb, a trouvé que les étudiants qui complètent un programme universitaire de premier cycle à distance sont des assimilateurs. L'examen de ces recherches arrive à des résultats divergents ce qui amène à formuler une hypothèse nulle.

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne le style d'apprentissage entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Le Style Cognitif

Le style cognitif désigne des habitudes stables, des préférences ou des stratégies habituelles caractérisant la manière typique d'une personne à percevoir, à se rappeler et à résoudre des problèmes (Shipman, 1985). Ragan et al. (1979, cité dans Flamand, 1982a) soulignent que les styles cognitifs « dépendance-indépendance du champ, réflexion-impulsivité et visuel-haptique » ont été les plus étudiés, qu'ils ont les « construits »

hypothétiques les mieux définis et qu'ils présentent les mesures les plus précises. Flamand (1982a), dans sa récension des écrits, remarque que c'est le style cognitif « dépendance-indépendance du champ » qui a fait l'objet du plus grand nombre de recherches au plan des apprentissages. Enfin, les théoriciens du style cognitif tels que McLeod, Cartenter, McCormack et Skvarcuis (1978) suggèrent par ailleurs que les étudiants dépendants du champ apprendraient mieux dans un petit groupe et que les étudiants indépendants du champ excelleraient dans un enseignement individualisé.

Ainsi, parmi les nombreux styles cognitifs existants, c'est celui de la « dépendance-indépendance du champ » qui a été retenu dans cette recherche sur les programmes individualisés. Cette variable se définit comme une capacité à percevoir un élément séparé de son contexte et à adopter une attitude analytique dans la résolution de problèmes (Huteau, 1980). Le test des figures cachées de Witkin, Moore, Boodenoygh et Cox (1977) a été utilisé pour déterminer ce style.

Chickering (1976) suggère que les étudiants dépendants du champs contribuent à augmenter le taux d'abandon des études à distance. Macdonald (1976) conclut que les étudiants indépendants du champ auraient plus de succès dans une situation d'apprentissage individualisé, tel que l'enseignement par correspondance, que les étudiants dépendants du champ. Jacobs et Gedeon (1982) ont montré que les indépendants du champ travaillent mieux dans un contexte d'apprentissage autonome, tandis que les dépendants du champ préfèrent un encadrement plus serré.

Thompson (1984) suggère que la majorité des étudiants qui étudient à distance ont un style cognitif « indépendant du champ». Thompson et Knox (1987) supportent l'hypothèse que les étudiants inscrits dans des cours par correspondance étaient plus indépendants du champ que ceux inscrits dans les cours traditionnels.

Comme il existe peu de recherches comparatives sur les adultes qui s'inscrivent dans les cours de formation à distance ou sur campus en relation avec le style cognitif dépendance-indépendance du champ, une hypothèse nulle a été formulée.

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne le style cognitif entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Lieu de ContrôLe

La pertinence de s'intéresser au concept « lieu de contrôle » tient du fait qu'une partie de la recherche en psychologie tente de comprendre le comportement et d'augmenter la satisfaction des individus. Se prendre en charge et contrôler, dans les situations importantes de sa vie, son environ-nement, devient un objectif pour l'individu. Les programmes individualisés offrent cette possibilité de se prendre en charge et de contrôler son apprentissage; par ce fait, ils sont propices à développer le lieu de contrôle interne.

Dans sa théorie de l'apprentissage social, Rotter (1954) considère que les expériences entraînent un réseau de croyances qui influencent le comportement ultérieur. Ces croyances, bien ancrées dans l'expérience individuelle, composent les traits de personnalité qui deviennent les déterminants généraux de l'action, alors que les particularités de la situation constituent les déterminants spécifiques. Il définit le lieu de contrôle comme un construit qui réfère à la croyance qu'a un individu de contrôler ou non sa vie. Il se compose de deux orientations : le contrôle interne et externe (Rotter, 1966). Lorsqu'un renforcement suivant une action est perçu comme étant le résultat du hasard, de la chance, du destin ou du pouvoir qu'ont sur nous certaines personnes, on est en présence d'un contrôle externe. Quand, au contraire, une personne perçoit un événement comme imputable à son comportement et à ses caractéristiques personnelles, on parlera de contrôle interne. Pour opérationnaliser ce concept de lieu de contrôle, l'échelle à trois dimensions IPC (interne, personne et chance) de Levenson (1972), développée à partir de l'échelle à deux dimensions de Rotter, a été retenue dans cette étude.

Roueche, Mink et Abbott (1975) démontrent qu'un enseignement individualisé, en tenant compte de l'attribution de la causalité et de la perception de la contingence, augmente la perception du contrôle interne d'étudiants collégiaux désavantagés.

Desjardins (1983, p. 50) conclut, à partir de la récension des études sur le lieu de contrôle, que les interventions éducatives favorisant l'augmentation du contrôle interne chez les adultes sont entre autres la méthode par contrat, la latitude accordée dans la réalisation d'un apprentissage, l'enseignement individualisé, les renforcements positifs, la pédagogie ouverte ainsi que l'expérimentation.

Pietrowski (1984) a établi que les étudiants indépendants du champ ont un contrôle interne plus élevé que les étudiants dépendants du champ. Les étudiants indépendants du champ semblent peu influencés par les attentes externes pour définir leurs besoins et leurs objectifs tandis que les étudiants dépendants du champ tendent à se conformer aux demandes provenant de l'extérieur et aux influences sociales.

Aucune recherche répertoriée n'a exploré cette caractéristique avec les étudiants qui apprennent à distance par rapport à ceux qui sont sur campus ce qui amène à formuler une hypothèse nulle.

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne le lieu de contrôle entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

La MéThodologie

Une méthodologie de recherche qui tienne compte des différences individuelles dans l'apprentissage a été développée ces dernières années par Snow (1976) et Cronbach et Snow (1977). Il s'agit de la méthode ATI (Aptitude-Treatment Interaction). Elle a été définie ainsi par Snow: « l'étude de l'influence des différences individuelles sur les conditions d'enseignement reliées à l'apprentissage. » Trois variables sont donc systématiquement prises en considération par cette méthode de recherche : l'aptitude (les caractéristiques individuelles), le traitement (individualisation des programmes dans des formations différentes : à distance et sur campus) et l'interaction entre les deux variables (les effets sur les étudiants adultes).

Les recherches utilisant cette méthode ont bien mis en évidence qu'il n'y a pas de système ou de programme d'enseignement qui conviennent parfaitement à tous : cela dépend en bonne partie des caractéristiques individuelles des étudiants (Witkin et al., 1977; Tobias, 1979). La présente étude entend elle aussi avoir recours à la méthode ATI en tenant de répondre à la question suivante : « La formation à distance, utilisant des moyens de diffusion différents, attire-t-elle une clientèle différente de celle de l'enseignement sur campus? »

Il est important de souligner que la présente recherche descriptive sur les programmes individualisés a été limitée :

L'Instrument de Mesure du Profil Des éTudiants

Une batterie de questionnaires a été utilisée pour identifier et mesurer certaines caractéristiques individuelles de l'apprenant.

Cette batterie de questionnaires a été mise à l'essai auprès d'une vingtaine d'étudiants représentant la population de la recherche avant d'être envoyée par la poste aux sujets de l'étude.

La Population

Trois cent trente-cinq (335) adultes forment l'échantillon par convenance et proviennent de trois universités québécoises : l'Université de Sherbrooke (101 répondants), l'Université Laval (99 répondants) et la Téluniversité (135 répondants). Ils ont entre 19 et 62 ans et sont répartis dans les deux types d'enseignement de la façon suivante : 200 sujets dans les programmes d'enseignement traditionnel et 135 sujets dans les programmes d'enseignement à distance.

La description des deux groupes d'étudiants est présentée dans le , . À l'examen du tableau, quelques variations entre les deux groupes d'étudiants émergent sur le plan des occupations (il y a plus d'étudiants sur campus qui sont des enseignants), du régime d'emploi (il y a plus d'étudiants à distance qui travaillent à temps plein) et de la formation (il y a plus d'étudiants sur campus qui ont déjà une formation universitaire au moment de commencer leur programme d'études).

Les RéSultats

Différentes analyses statistiques ont été effectuées en regard des échelles utilisées (nominale et intervallaire) dans les questionnaires. Les résultats sont présentés en fonction des hypothèses formulées dans la recherche.

La Motivation

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne les motifs d'étude entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Il existe une différence significative entre les deux groupes en ce qui a trait aux motifs d'études (Chi carré = 14.727, df = 5, p = 0.005) ce qui infirme notre hypothèse. Les deux groupes d'étudiants ont le même motif d'étude prédominant, soit la culture. En d'autres mots, ils ont tendance à considérer que l'apprentissage contient sa propre récompense et ils ont un goût pour la recherche. Toutefois, ils diffèrent significativement sur le deuxième motif dominant: à distance, ils étudient pour se perfectionner dans le but d'acquérir une plus grande compétence et un statut d'emploi plus élevé tandis que sur campus, ils le font pour des motifs d'intérêts humanitaires et ils voient la formation comme un moyen de se préparer à mieux servir la communauté. Ces résultats rejoignent ceux de Kahl et Cropley (1986) et de Fawcett (1990) et contredisent ceux de Morgan, Gibbs et Taylor (1980), de Harper et Kember (1986) et de Coggins (1988) : les étudiants à distance ont une plus grande motivation extrinsèque que les étudiants sur campus.

Le Style D'Apprentissage

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne le style d'apprentissage entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Il existe une différence significative entre les deux groupes en ce qui a trait au style d'apprentissage (Chi carré = 12.897, df = 5, p= 0.005), ce qui infirme notre hypothèse. Les étudiants sur campus sont des divergeurs tandis que les étudiants à distance sont des assimilateurs. Les divergeurs sont des personnes qui génèrent facilement des idées et fonctionnent mieux dans des sessions de remue- méninges. Ils s'intéressent aux autres person-nes et ont tendance à être imaginatifs et émotifs. Ils ont des intérêts culturels vastes et ils ont tendance à se spécialiser dans les arts. Ils apprennent à travers les contacts interpersonnels et ils utilisent les habiletés d'expérience concrète et d'observation réfléchie.

Les assimilateurs sont des personnes qui fonctionnent mieux dans des situations problématiques demandant d'utiliser un raisonnement inductif, c'est-à-dire du particulier au général, d'assimiler des observations disparates en une explication intégrée. Ils portent moins d'intérêt aux autres et plus d'intérêt aux concepts abstraits et à la théorie. Ils utilisent dans leur apprentissage des habiletés de conceptualisation abstraite et d'observation réfléchie.

Les résultats de cette recherche vont dans le même sens que les recherches de Fawcett (1990), Willet et Adams (1985) et contredisent la recherche de Harper et Kember (1986).

Le Style Cognitif

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne le style cognitif entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Les étudiants sur campus sont majoritairement dépendants du champ tandis que les étudiants à distance sont majoritairement indépendants du champ (Chi carré = 11.81, df = 5, p = 0.001) ce qui infirme notre hypothèse. Les étudiants dépendants du champ ont de la difficulté à percevoir un élément dans un ensemble et ils ont un grand besoin de structure et de renforcement tout en préférant apprendre avec les gens. Les étudiants indépendants du champ ont une très bonne capacité à percevoir un élément dans son ensemble, ils font preuve d'autonomie et d'indépendance dans leur apprentissage.

Les résultats confirment donc les résultats obtenus par d'autres recherches : Thompson (1984), Garlinger et Frank (1988), Chickering (1976), Thompson et Knox (1987).

Le Lieu de ContrôLe

Il n'existe aucune différence en ce qui concerne le lieu de contrôle entre les étudiants admis dans un programme universitaire dispensé sur campus et ceux admis dans un programme universitaire dispensé à distance.

Il existe une différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne le lieu de contrôle (t student = 2.40, df = 5, p = 0.01), ce qui infirme notre hypothèse. En ce qui a trait au lieu de contrôle externe, les étudiants sur campus diffèrent des étudiants à distance par une prédominance de ce type de contrôle; en d'autres mots, ils utilisent plus souvent des références externes pour définir leurs besoins et leurs objectifs. Quant au lieu de contrôle interne, il n'existe pas de différence entre les deux groupes.

Conclusion

Les programmes individualisés sont une réalité qui se retrouve autant dans des établissements d'enseignement universitaire qui dispensent un enseignement sur campus ou à distance. Il existe peu de recherche qui examine à la fois la variable individualisation de l'enseignement et le moyen de diffusion de cette individualisation (campus, distance). Dans cette recherche longitudinale, l'examen des différences sur le plan des caractéristiques individuelles entre les adultes qui étudient sur un campus et ceux qui étudient à distance a fait l'objet d'hypothèses. Les résultats montrent qu'il existe effectivement une différence significative entre les caractéristiques individuelles des étudiants admis dans un programme offert sur campus et celles des étudiants admis dans un programme offert à distance.

Les étudiants à distance sont des assimilateurs. Ils montrent une indpendance du champ et sont motivés par des facteurs extrinsèques pour entreprendre leurs études. Enfin, ils sont moins contrôlés par les éléments extérieurs pour établir leurs besoins et leurs objectifs de formation. Quant aux étudiants sur campus, ce sont des divergeurs; ils montrent une dépen-dance du champ et une motivation intrinsèque pour entreprendre leurs études et ils sont plus contrôlés par les éléments extérieurs pour établir leurs objectifs et leurs besoins de formation.

La présente recherche s'inscrit dans la continuité des études comparatives qui cherchent à déterminer si les étudiants adultes qui s'inscrivent en formation à distance diffèrent de ceux qui s'inscrivent en enseignement traditionnel. L'examen de ces recherches, qui sont peu nombreuses, a permis de dégager quelques constats que cette étude a pris en compte : la diversité des instruments de mesure utilisés pour déterminer les caractéristiques individuelles, une analyse limitée à une ou deux caractéristiques individuelles et la pénurie de recherche sur les étudiants adultes francophones. Cette étude descriptive, en retenant certains instruments de mesure déjà validés dans ces recherches, en explorant au moins quatre caractéristiques individuelles de l'apprenant adulte dans un contexte francophone, a voulu apporter un autre éclairage sur cette question. Elle ne prétend pas à la généralisation, mais les résultats obtenus similaires à ceux utilisant les mêmes instruments de mesure permettent, comme le soulignent Beckwith (1991), Sheppard et Gilbert (1991), de mieux connaître le profil d'apprentis-sage des adultes qui étudient à distance et ainsi, d'adapter l'enseignement en regard de ce qu'il sont et de ce qu'on connaît d'eux.

Notes

1. Les termes « enseignement sur campus » et « enseignement traditionnel » sont souvent utilisés dans la littérature sur la formation à distance pour qualifier l'enseignement en général.

2. Le modèle d'enseignement à distance décrit dans ce texte sous-tend la majorité des enseignements offerts à distance.

3. Les résultats présentés dans ce texte s'inscrivent dans la phase I d'une recherche qui avait pour but d'examiner, à l'aide d'instruments de mesure objectifs, si les programmes individualisés ont un impact sur certaines caractéristiques individuelles de l'apprenant adulte.

4. Le style cognitif indépendant et dépendant du champ est défini plus loin dans ce texte.

References

Beckwith, J. B. (1991). Approaches to learning, their context and relationship to assessment performance. Higher Education, 22, 17–30.

Boshier, R. (1971). Motivational orientations of adult education participants: A factor analytic exploration of Houle's typology. Adult Education, 21(2), 3–26.

Canfield, A. (1980). Learning styles inventory: Technical manual. Birmingham: Humanics Media.

Chickering, A. W. (1976). The double bind of field dependence/independence in programming alternatives for educational development. In S. Messick (Ed.), Individuality in learning (pp. 79–89) San Francisco: Jossey-Bass.

Coggins, C. C. (1988). Preferred learning styles and their impact on completion of external degree programs. The American Journal of Distance Education, 2(1), 25–37.

Cronbach, L. J., & Snow, R. E. (1977). Aptitudes and instructional methods. New York: Irvington.

Dalceggio, P. (1990). La formation à distance. Montréal: Université de Montréal, Service pédagogique.

Desjardins, E. (1983). Relations entre la poursuite d'études supérieures et le sentiment de contrôle d'étudiantes universitaires. Thèse de doctorat, Université Laval, Québec.

Dieuzeide, H. (1985). Les enjeux politiques. In F. Henri & A. Kaye (Eds.), Le savoir à domicile (pp. 29–60). Québec: Presses de l'Université du Québec et Télé-université.

Fawcett, P. (1990). L'étude de la corrélation entre le style d'apprentissage et l'abandon des apprenants adultes à la Télé-université. Québec: M-moire de maîtrise non publiée, Université Laval.

Flamand, G. (1982a). Les styles cognitifs (Document de travail). Montréal: Direction de la recherche, secteur de la planification.

Flamand, G. (1982b). Les styles d'apprentissage et d'enseignementt (Document de travail). Montréal: Direction de la recherche, ministère de l'Éducation.

Garlinger, D. K., & Frank, B. M. (1988). Teacher student cognitive style and academic achievement: A mini-meta-analysis. Journal of Classroom Behavior, 21(2), 2–8.

Harper, G., & Kember, D. (1986). Approaches to study of distance education students. British Journal of Educational Technology, 17(3), 212–222.

Huteau, M. (1980). Style cognitif et pensée opératoire. Bulletin de psycho-logie, 33(345), 665–681.

Jacobs, R. L., & Gédeon, D. V. (1982). The social behaviors of field dependent students in a personalized system of instruction course. Interchange of Educational Policy, 9(20), 145–157.

Kahl, T. N., & Cropley, A. J. (1986). Face-to-face versus distance learning: Psychological consequences and pratical implications. Distance Education, 7(1), 38–48.

Keefe, J. W. (1979). Learning style: An overview. Student learning styles. Diagnosting and prescribing programs. NASSP.

Kolb, D. (1976). The learning styles inventory: Technical manual (pp. 2– 47). Boston, MA: McBer and Co.

Levenson, H. (1972). Distinction within the concept of internal-external control: Development of a new scale. Proceedings of the 80th Annual Convention of the American Psychological Association, 261–262.

Macdonald, F. J. (1976). Report on phase II of the beginning teacher evaluation study. Journal of Teacher Education, 27, 39–42.

McLeod, B., Cartenter, T. P., McCormack, R. L., & Skvarcuis, R. (1978). Cognitive style and mathematical learning: The interaction of field-independence and instructional treatment in numeration systems. Journal of Research in Mathematics Education, 9(3), 163–174.

Morgan, A., Gibbs, G., & Taylor, E. (1980). Approaches to studying the social science and technology foundation courses : Preliminary studies (Study Methods Group Report No. 4). Milton Keynes, U.K.: The Open University, Institute of Educational Technology.

Pietrowski, C. (1984). Locus of control, field dependence-independence as factors in learning and memory. Unpublished manuscript, University of West Florida. ED 247 495.

Rasmden, P. (1983). The Lancaster approaches to studying and course perceptions questionnaire: Lecturers' handbook. Mimeograph, Educational Methods Units, Oxford Polytechnic.

Rotter, J. (1954). Social learning and clinical psychology. Englewood Cliffs, N.J.: Prentice- Hall.

Rotter, J. B. (1966). Generalized expectancies for internal versus external control of reinforcement. Psychological Monographs, 80, 1–28.

Roueche, J. E., Mink, O. G., & Abbott, M. L. (1975). Effects of individualized instruction on control expectancy: A Filed Test. Austin, Texas: The University of Texas at Austin. ERIC Document Reproduction Service No. JC 750 570

Shale, D. (1988). Toward a reconceptualization of distance education. The American Journal of Distance Education, 2(3), 25–35.

Sheppard, C., & Gilbert, J. (1991). Course design, teaching method and student epistemology. Higher Education, 22, 229–249.

Shipman, S. (1985). Cognitive styles: Some conceptual, methodological and applied issues. Review of Research in Education, 12, 227–271.

Snow, R. E., & Farr, M. J. (1987). Cognitive-conative-affective processes in aptitudes, learning and instruction: An overview. In R. E. Snow & M J. Farr (Eds), Aptitude, learning and instruction, Volume 3 (pp. 2–10). Hillsdale, N.J.: Lawrence Erlbaum.

Snow, R. E. (1987). Aptitude complexes. In R. E. Snow& M. J. Farr (Eds), Aptitude, learning and instruction, Volume 3 (pp. 11–34). Hillsdale, N.J.: Lawrence Erlbaum.

Snow, R. E. (1976). Aptitude Treatment Interactions (ATI) and individualized alternatives in higher education. Individuality and learning (pp. 268– 293). San Francisco : Jossey-Bass Publishers.

Thompson, G. (1984). The cognitive style of field-dependence as an explanatory construct in distance education drop-out. Distance Education, 5(2), 286–293.

Thompson, G., & Knox, A. B. (1987). Designing for diversity : Are field-dependent learners less suited to distance education programs of instruction? Contemporary Educational Psychology, 12(1), 17–29. Tobias, S. (1979). Anxiety research in educational psychology. Journal of

Educational Psychology, 71, 573–582. Viau, R., & Barbeau, D. (1991). La motivation dans l'apprentissage scolaire. (Première version). Sherbrooke: Université de Sherbrooke.

Willett, L. H., & Adams, F. G.(1985). Learning style preferences of external degree students." Innovative Higher Education, 10(1), 55–65.

Witkin, H. A., Moore, C. A., Boodenoygh, D. R., & Cox, P. W. (1977). Field-dependent and field- independent cognitive styles and their educational implication. Review of Educational Research, 47, 1–64.

Wong, S. L. (1992). Approaches to study of distance education students. Research in Distance Education, 4(3), 11–17.


Mme Louise Sauvé est professeure au Comité de programme de 2e cycle en formation à distance à la Télé-université, Université du Québec. Auteure de plusieurs ouvrages éducatifs en formation à distance, ses champs de recherche touchent particulièrement l'individualisation de l'enseignement, l'abandon des études en formation à distance, l'utilisation des jeux et simulations en situation d'apprentissage, le design pédagogique et les médias en formation à distance.

M. Jean-Réal Nadeau est professeur au département de Counseling et orientation de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval. Il est l'initiateur du Certificat en andragogie, responsable aux 1 er, 2e et 3e cycles des cours d'éducation des adultes et d'éducation permanente. Il est l'auteur d'un ouvrage « Éducation permanent dans une cité éducative » qui touche à la problématique de son enseignement et de ses recherches.M. Gilbert Leclerc est professeur et directeur de la maîtrise de recherche en gérontologie de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université de Sherbrooke. Il a été l'initiateur du Diplôme de formation en éducation des adultes, du certificat multidisciplinaire, du certificat et de la maîtrise en gérontologie. Chercheur actif au Centre de recherche en gérontologie et gériatrie de l'Hôpital d'Youville de Sherbrooke, ses recherches ont porté