L'ACED: La première décennie

 

Margaret Landstrom

VOL. 8, No. 1, 119-125

Combien de choses n'a-t-on pas déclarées impossibles avant leur réalisation!

Pline l'Ancien, Histoire Naturelle, Livre VII, 6

La fondation de l'Association canadienne d'éducation à distance est survenue dans des circonstances assez particulières. Le premier jour d'avril 1983, treize Canadiens et Canadiennes participant à un colloque en éducation à distance à Washington constatèrent non seulement qu'ils avaient énormément de choses à partager mais que leur expérience, par certains côtés, surpassait celle de leurs hôtes. Animés d'un esprit enthousiaste, aventureux, inventif, les membres de ce petit groupe hétéroclite envisag-rent la création et le développement d'un organisme nouveau, et se mirent sur-le-champ en frais de planifier son assemblée inaugurale.

Grâce aux dons de leadership, à la vision et à l'engagement de nombreux enseignant(e)s à distance, l'ACED, en dix ans de vie, a multiplié les innovations. Tant de personnes ont contribué de leur temps et leurs talents à cette entreprise qu'il est impossible de les nommer tous en un si bref survol; ses réussites sont à l'honneur de tous ceux qui ont initié, géré et participé aux événements qui ont marqué la vie de cet organisme.

. Qu'est-ce qu'on va faire? »

David Fennario, Balconville, 1979

Une des approches innovatrices adoptées dès les débuts de l'association consistait en un effort conscient d'intégrer à l'association des person-nes oeuvrant dans tous les secteurs et à tous les niveaux du monde de l'éducation, des gens issus des milieux gouvernementaux, technologiques et de l'entreprise privée, dans tous les domaines et à tous les niveaux d'intervention : planification, conception, production, organisation, promotion, levée de fonds, et distribution de matériaux et d'appareils. On a également décidé, d'office, d'en faire un organisme oeuvrant, imparfaitement au besoin, dans les deux langues officielles du pays.

C'est loin d'être par hasard que le Canada et les Canadiens se retrouvent, en ce domaine, à la fine pointe de pratiquement toutes les innovations technologiques de l'ère moderne. Depuis Bell et Marconi jusqu'aux inventions plus récentes en communication par satellite, les Canadiens ont été au centre de la majorité des prodigieuses innovations qui ont vu le jour au vingtième siècle dans le domaine des communications.

D. Paul Schafer, Directeur, Projet Culture Mondiale,

La souveraineté culturelle Canadienne :

Mythe ou réalité?

Si les audioconférences pan-canadiennes sont aujourd'hui monnaie courante, elles faisaient en 1983 figure de nouveauté. Travaillant sous l'égide de l'Association canadienne de l'éducation universitaire permanente (CAUCE), l'ACED, sans se soucier du fait qu'aucun(e) des participant(e)s n'avait auparavant tenté une expérience d'une telle envergure, saisit l'occasion de sa réunion inaugurale pour organiser sa première audioconférence, sur vingt-quatre emplacements reliés au Château Halifax. On peut voir, avec dix ans de recul, que l'organisme avait pris de bonne heure un pli qu'elle a gardé depuis : choisir de faire ce qui n'avait jamais été fait, de tenter toutes les chances, d'oser, et d'innover.

Seuls vivent vraiment ceux qui osent.

Victor Davis, médaillé en natation, cité par James Christie dans le Globe and Mail, le 13 novembre 1989.

Riche de cette expérience dans le domaine de la audioconférence multisite, l'organisme se lança un défi autrement périlleux : celui d'offrir son premier programme de perfectionnement professionnel à distance.

Ici encore on ne pouvait s'appuyer sur aucune tradition ni expérience antérieure. Une discussion axée sur la conception pédagogique, prévue à l'origine pour une trentaine de personnes réparties en une demi-douzaine de sites, regroupa en fin de compte deux cent quatre-vingt personnes réparties sur trente sites. Les aspects techniques à eux seuls étaient impressionnants, mais venaient s'ajouter à eux l'absence presque totale de lignes directrices, de protocole établi et de mode d'opération pour la gestion d'une telle activité à l'échelle du pays. Les organisateurs et organisatrices de cet événement unique n'avaient pas, pour la plupart, organisé l'audioconférence originale; c'est un indice de l'ampleur des talents et du savoir-faire qu'avait attiré ce tout jeune organisme.

C'est en 1983–84 que l'ACED publia, à l'adresse de ses membres, les premiers numéros du bulletin qui, porterait, plus tard, le titre «Communiqué».

En 1984–85, deux nouveaux ateliers de perfectionnement professionnel réunissaient ses participants par voie de audioconférence; le conseil d'administration en faisait autant une fois par mois. La seconde assemblée générale de l'ACED (sa première en tant qu'organisme indépendant) eut lieu, toujours à distance, en 1985. Déjà dotés d'une familiarité et d'une expertise considérables, les participants se trouvaient en mesure d'utiliser efficacement et avec souplesse tout le potentiel de la audioconférence.

Après trois ans d'existence, les membres de l'ACED se rencontrèrent pour la première fois en face à face, lors d'une assemblée tenue à l'Université York à Toronto. Une collaboration intense, et toujours à distance, aux diverses activités de l'organisme - organisation d'ateliers, lancement d'un bulletin, mise en forme d'une constitution - leur permettait, faute de s'être déjà vus, de se reconnaître les uns les autres à la voix. L'énergie de l'ACED se manifestait chez ses membres par l'enthousiasme avec lequel ils s'entretenaient d'une remarquable diversité de sujets, des nouveaux développements dans le domaine et, naturellement, du potentiel qu'ils entrevoyaient pour l'éducation à distance.

Avec le lancement, en 1986–87, du premier numéro de La Revue de l'enseignement à distance, avec ses articles théoriques, ses rapports sur la recherche et sur la mise en application, ainsi que ses chroniques de lecture, l'ACED se taillait une place de choix parmi les organismes de recherche et d'éducation.

Adoptant une formule d'assemblées à distance une année sur deux, l'ACED organisa en 1987 une discussion par audioconférence multisite, doublée d'une conférence prononcée à distance par un invité du Royaume-Uni.

Or rien n'est plus difficile, ni d'un succès plus douteux, ni plus périlleux à entreprendre, que de prendre l'initiative pour introduire de nouvelles institutions.

Niccolo Macchiavelli, Le Prince, ch.6

Au milieu des années 80, l'enseignement à distance était encore perçu par de nombreux tenants des approches traditionnelles comme une activité marginale qui était le fait de maniaques de la technologie et de zélés du changement. Cependant le mouvement prenait de l'ampleur et commençait à attirer l'attention des ministères et des organismes gouvernementaux. Au cours des ans le Ministère des Communications, Emploi et Immigration Canada, le comité permanent de la Chambre des communes sur l'accessibilité de l'éducation postsecondaire et le Conseil des Sciences du Canada ont, tour à tour, consulté l'ACED. Une des questions clé concernait le rôle de l'enseignement à distance dans la formation et le maintien d'une main- d'oeuvre instruite.

L'ACED et ses membres ont acquis très tôt la réputation d'innover et de travailler à la fine pointe des développements qui auraient un impact profond sur l'éducation et l'accès au savoir. C'est à l'ACED qu'on s'est adressé pour organiser et gérer le Forum National sur l'éducation postsecondaire que parrainait le Secrétariat d'État et le Conseil des ministres de l'éducation. L'ACED y a gagné en visibilité au niveau national et a contribué à accroître la familiarité et le respect des délégués pour l'édu-cation à distance.

. l'oeuvre, donc, amis! Dans la gloire ou l'abîme Qu'en chaque coeur humain Vibre cette maxime: Travailler, entreprendre, Perdurer et attendre

H.W. Longfellow, . Le Psaume de la vie » , str. 9

La fin des années 80 permit à l'ACED de consolider les initiatives entreprises, d'établir un plan stratégique pour accroître son influence et le nombre de ses membres, et de poursuivre les objectifs de son mandat par des activités de perfectionnement professionnel sous forme d'ateliers offerts à distance. L'organisme poursuivit aussi son dialogue avec les diverses instances gouvernementales en vue de promouvoir la cause de l'enseignement à distance et de se faire entendre sur les questions connexes telles la réforme fiscale et la loi touchant le droit d'auteur. La crédibilité acquise par l'ACED en fit l'un des intervenants consultés afin de déterminer le rôle que devait jouer le Canada lors du Commonwealth de l'apprentissage.

Les assemblées biennales en face à face (Banff 1988 et Québec 1990) se sont penchées tant sur les questions d'actualité que sur les défis d'avenir. Les thèmes reflétaient bien l'approche adoptée dès le départ : passer au crible les idées reçues et porter son regard sur les lendemains qu'il nous reste à créer.

L'assemblée de 1989, où le modérateur travaillait dans les deux langues officielles, et l'assemblée de Québec, où les anglophones ont saisi l'occasion de vivre en français, tant de jour en assemblée que de soir au casino, ont confirmé le fait que le bilinguisme était, pour l'ACED, un projet réalisable.

Centrée à St.John's, la télé-assemblée de 1991 introduisit un nouveau format et un nouveau concept, reliant les membres en une activité d'apprentissage incluant, cette fois, une transmission vidéo vers divers sites à travers le pays.

Le Collège Algonquin à Ottawa fut le site de l'assemblée « Nouvelles alliances » , qui servit à mettre en lumière les avantages de la collaboration et du partage des ressources, choix qui prennent une importance toute particulière dans les époques difficiles.

L'ACED s'est toujours intéressée aux divers rôles que peut jouer l'enseignement à distance au sein de notre société. En 1991, lors du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, elle fit une intervention soulignant les contributions apportées à la société canadienne par l'éducation à distance depuis la Confédération, le rôle des gouvernements en la matière et la pertinence de l'éducation à distance en termes de capacité à la concurrence, de justice sociale et de vision de la nation.

En quoi la première décennie de l'ACED en a-t-elle fait un organisme unique et remarquable?

C'est l'engagement de ses nombreux membres et leur application à la tâche qui a fait de l'ACED l'organisme dynamique et respecté qu'il est aujourd'hui. Cette première décennie n'est qu'un début, mais quelle décennie mouvementée et prolifique ce fut! Il ne s'agit pas de s'attarder au passé : les membres sont mobilisés par un avenir où ils pressentent les défis technologiques et conceptuels qui leur permettront d'améliorer tant l'accès aux programmes d'éducation à distance que le succès des apprenants. L'ACED poursuivra une carrière énergique et vibrante qui gardera toute sa pertinence dans la mesure où les membres continueront à partager leur expérience, d'apprendre les uns des autres, d'innover et d'appliquer des visions nouvelles au domaine de l'éducation. Ceux qui ont participé au développement de l'ACED ont fait preuve d'attitudes positives, d'une rare volonté d'apprendre et de risquer, de tenter des expériences, de forger des visions nouvelles et de croire que ce qui n'existe pas encore demeure toujours possible.

. Inutile d'essayer, »

dit Alice, « il est impossible de croire

aux choses impossibles ».

. À mon avis vous manquez de pratique, »

répliqua la

Reine. « Moi, à votre âge, je m'y appliquais une demiheure tous les jours. Il m'est arrivé alors de croire à jusqu'à six choses impossibles avant le petit déjeuner ».

Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles

Maannamit

Phrase innuktitut : . L'avenir commence tout de suite »

Membres du Comité de développement de l'association (réunion de Washington) :

Diana Carl - Université Mount St.Vincent Doug Connolly - Magic Lantern Marian Croft - Université Wilfrid Laurier Sam Jackson - Seneca College Margaret Landstrom - Université de Windsor Bob Leitch - Magic Lantern Fred Little - Université Wilfrid Laurier Esio Marzotto - Université de Windsor William Nassau - Université Wilfrid Laurier Marilyn Noble - Université du Nouveau Brunswick Mike Reddington - Knowledge Network Kathleen (Kay) Rogers - Université Carleton Sam Shaw - Inter Universities North

Assemblée Inaugurale :

Présidente d'assemblée : Kathleen (Kay) Rogers, Université Carleton Co-présidente : Marian Croft, Présidente, CAUCE

Présidents et Présidentes :

1983–84 Kathleen (Kay) Rogers, Université Carleton (Présidente intérimaire) 1984–85 Kathleen (Kay) Rogers, Université Carleton 1985–86 Charles Shobe, ACCESS Alberta 1986–87 Arlene Zuckernick, Université de Victoria 1987–88 Margaret Landstrom, Université de Windsor 1988–89 John Daniel, Université Laurentienne 1989-90 Lucille Pacey, Knowledge Network 1990-91 Erin Keough, Université Memorial 1991-92 Norman McKinnon, Ministère de l'éducation de l'Ontario 1992-93 Margaret Haughey, Université de l'Alberta 1993– Thérèse Lamy, Consultante en formation à distance

Membres Honoraires :

1988 Kathleen (Kay) Rogers 1990 John Daniel 1991 Terry Kerr 1993 Margaret Norquay

En tant que Directrice des Programmes à unités de l'Université de Windsor, Margaret Landstrom est responsable de la gestion du programme d'édu-cation à distance de cette université. Elle est également professeure au département d'Études en communication. Elle a été présidente et secrétairetrésorière de l'ACED, et présidente du Conseil de l'Éducation permanente universitaire de l'Ontario.