Une intervention sur la motivation dans des cours à distance

Martin Maltais et André-Jacques Deschênes

VOL. 23, No. 2, 1 - 24

Résumé

Une intervention sur la motivation a été menée pour vérifier si la production de messages de motivation non personnalisés, à partir du modèle de Keller, pouvait influencer favorablement la réussite des apprenants. Elle s’inspire d’une étude menée par Visser qui a permis de doubler les taux de réussite dans un programme de deuxième cycle. Les résultats présentés s’appuient sur l’analyse des taux de réussite, comparés à ceux des années antérieures; on a aussi recueilli les commentaires exprimés par les étudiants. À l’exception d’un cours, ni la réussite, ni les moyennes de notation, ni la proportion de résultats scolaires élevés, n’augmentent de façon sensible. Si l’on compare les données sur une longue période, l’intervention sur la motivation avec des messages non personnalisés aurait peu ou pas d’influence sur la réussite scolaire. Cependant, les étudiants sont favorables à ce type d’assistance. Les résultats font voir l’importance, dans le domaine de la motivation, d’ajuster l’intervention à la situation de l’apprenant et de ses besoins.

Abstract

An intervention on motivation was made to verify if non-personalised motivation messages, based on Keller’s model, could influence learners’ success favourably. This intervention was inspired by Visser’s study that showed a doubling of the success rates in a graduate program. The results are based on an analysis of the success rates, compared to those of previous years. We also collected student comments. Except for one course, success rate, grade average and percentage of high results did not increase significantly. If we compare the rates on a longer period of time, this type of intervention has little or no effect on academic success. However, students are favourable to this type of intervention. Results show the importance, in the field of motivation, of adjusting the intervention to the learner’s context and needs.

Introduction

On constate, au cours des dix dernières années, un intérêt croissant pour le soutien à l'apprentissage sur le plan motivationnel en formation à distance. Les travaux de Visser et ses collaborateurs, à la fin des années quatre-vingt-dix (Visser, 1998; Visser, Plomp et Kuiper, 1999), ont fait voir qu'il était possible d'intervenir efficacement dans cette dimension souvent oubliée en apprentissage à distance. En 2002, paraissaient sur le Web plusieurs comptes rendus de recherches ou d'expérimentations regroupés sous le titre Motivating and retaining adult learners on-line (www.geteducated.com); ils font état de résultats positifs d'actions visant à soutenir la motivation sur la persistance et les performances des étudiants.

Cette préoccupation apparaît nécessaire selon certains travaux de recherche menés aussi au cours des dernières années et portant sur l'encadrement des étudiants. Gagné et ses collaborateurs (2001) dégagent d'une enquête auprès de plus de 800 étudiants de premier cycle de la Télé-université une demande importante de leur part sur le plan de la motivation. En effet, alors que 4 % seulement des répondants identifient le soutien à la motivation comme un des rôles joués par la personne tutrice, 22 % d'entre eux indiquent qu'ils désirent que celle-ci intervienne sur la motivation. Il semble donc y avoir un besoin auquel la personne responsable de l'encadrement des étudiants dans un cours ne répond pas vraiment. On a aussi constaté dans des analyses récentes de cours en formation à distance que les concepteurs semblent accorder bien peu de place aux objectifs de type motivationnel dans leurs activités d'apprentissage ou d'encadrement (Deschênes, Morin, Raby et Page-Lamarche, 2008a; 2008b; Maltais et Deschênes, 2006). Dans l'analyse de 116 activités d'encadrement dans huit cours à distance aux divers ordres d'enseignement (secondaire, collégial et universitaire), Maltais et Deschênes (2006) ne trouvent que deux mentions explicites d'objectifs pouvant viser le plan motivationnel. Dans une analyse plus récente du même type, Deschênes et al. (2008a) identifient, pour vingt activités d'encadrement dans trois cours universitaires et un cours secondaire quatre mentions explicites à des objectifs de type motivationnel. Pour les activités d'apprentissage, Deschênes et al. (2008b) constatent qu'un seul des quatre cours analysés (trois cours à l'universitaire et un cours au secondaire) propose des objectifs de type motivationnel.

La présente recherche visait donc à :

Elle s'appuie sur le modèle de Keller (1999) et s'inspire des travaux de Visser (1998). Elle a été menée par le Groupe de recherche interuniversitaire en formation à distance (GIREFAD) et s'inscrit dans un projet plus large qui comporte cinq autres volets (qui ne seront pas abordés ici), soit 1) l'analyse des activités d'encadrement des quatre cours retenus, 2) des entrevues avec les concepteurs de chacun de ces cours, 3) des entrevues avec deux intervenants par cours, 4) des entrevues avec trois étudiants par cours et, 5) l'analyse des interactions entre un étudiant par cours et les intervenants de ce cours.

Cadre de référence

L'intervention réalisée reprend des éléments de l'étude menée par Visser (1998; Visser et al., 1999) qui emprunte le modèle ARCS (Attention, Relevance, Confidence, Satisfaction) de la motivation, développé par Keller (1983; 1987a; 1987b; 1987c; 1999; Keller et Burkman (1993). Keller constate qu'il est possible d'accroître la motivation de l'individu, entre autres, en clarifiant la pertinence d'apprendre de telle ou telle façon ou encore, d'acquérir telle ou telle information. Il s'agit de répondre au « pourquoi » formulé par l'apprenant, un pourquoi qui se rapproche de la notion de sens développée par Bourdages (2001).

Le modèle de Keller

Pour Keller, l'accroissement de la motivation peut se faire soit en fournissant des réponses à cette question du « pourquoi », en stimulant adéquatement l'apprenant, ou encore en fournissant un soutien permettant à l'apprenant de développer (créer) sa propre réponse : « there are many situations in which one can dramatically improve a person's motivation by providing either answers to the “ Why ” question or the stimuli and support for the person to create an answer » (Keller, 1999, p. 373).

Keller souligne que le niveau de motivation d'un individu peut varier régulièrement et de façon imprévisible dans le temps. Malgré tout, certains aspects de la motivation sont stables et prédictibles. Ainsi, il considère qu'un technologue de la performance humaine peut mettre en place des environnements qui auront des influences positives et prévisibles sur la motivation en général.
Pour lui, la motivation est l'un des trois facteurs qui influencent la performance humaine. Il note que le niveau et la qualité de la performance d'un individu sont liés à trois facteurs sur lesquels on peut intervenir et qui peuvent se traduire ainsi : la motivation, les compétences de l'individu et l'opportunité qu'offre son environnement :

La performance humaine est ainsi conditionnée par la jonction de ces trois facteurs (Figure 1).

Figure 1. Le modèle de la performance humaine de Keller

Pour Keller, un système de motivation est constitué d'un groupe de personnes, ayant leurs propres caractéristiques motivationnelles et d'un environnement, constitué de tactiques et de stratégies qui interfèrent avec les sentiments et les efforts déployés par le groupe, pour atteindre un objectif donné : « A motivational system consists of people, with their internal motivational characteristics, and the environment, with its tactics and strategies that affect goal directed effort and affect » (Keller, 1999, p. 375). Par conséquent, un système de performance humaine doit agir sur les facteurs internes et externes à l'individu en vue d'influencer sa performance.

Le technologue de la performance humaine doit, par conséquent, rencontrer trois exigences pour construire un système de motivation qui stimule et maintienne un niveau approprié de motivation : 1) comprendre les composantes de la motivation humaine, 2) répertorier les relations entre les différents facteurs de la motivation et les autres influences qui agissent sur le niveau de performance, 3) utiliser une approche de résolution de problème pour créer un environnement ayant un degré de motivation approprié.

Keller précise que 3 postulats soutiennent ce modèle : 1) la motivation des individus peut être influencée par des éléments externes, 2) motiver les individus à la performance est un moyen et non une finalité, 3) la conception et l'implantation d'un modèle systématique peuvent influencer la motivation de façon prédictible et mesurable.

Keller identifie quatre composantes de la motivation : l'attention (Attention), la pertinence (Relevance), la confiance (Confidence) et la satisfaction (Satisfaction), sur lesquelles on peut intervenir. Ces composantes constituent le modèle ARCS de la motivation.

Attention: centration sur la tâche à réaliser

Cette composante insiste sur l'importance de placer l'apprenant dans un environnement propice à l'apprentissage en attirant son attention sur la tâche à réaliser. Elle est associée au besoin qu'ont les individus d'être stimulés et d'avoir de la variété : « People need and desire stimulation and variety, although in differing amounts. Sensory-deprivation experiments illustrate that when people do not receive stimulus inputs from the environment, they will begin to generate their own in the form of hallucinations. By contrast, too much stimulation leads to debilitating stress, which results in decreased in performance. » (Keller, 1999, p. 379). Cette composante vise donc une stimulation fluide favorisant un niveau de concentration optimal en vue de réaliser la tâche.

Pertinence: sens et motifs de l'apprenant dans la réalisation de la tâche

La pertinence renvoie, selon Keller, à la valeur accordée par l'étudiant à réaliser la tâche. Pour cette raison, les acteurs qui interagissent avec celui-ci doivent justifier l'utilité de réaliser une tâche en lui donnant un sens qui est viable pour lui. Ici, il importe d'informer l'apprenant de ce qui est attendu de lui, des raisons qui font qu'un aspect donné d'un cours est important. Il faut aussi l'informer de la place qu'occupe cet aspect dans l'ensemble du cours.

Confiance: capacité de réussir

Selon Keller, la confiance renvoie à cette conviction, chez l'apprenant, qu'il est en mesure de remplir la tâche. Dans son étude, Visser (1998) souligne qu'en général, un succès est suivi d'une augmentation de confiance en soi, alors que l'échec est souvent accompagné d'une perte de confiance. En formation à distance, la crainte de l'échec est généralement élevée. Il importe donc d'envoyer à l'apprenant des messages clairs, dans lesquels on insiste sur le fait que s'il travaille bien et fort, il pourra terminer le cours avec succès. Il faut également préciser qu'il n'est pas seul dans ce processus et qu'il sera soutenu. Il est de plus possible d'augmenter la confiance des apprenants en insistant sur le fait qu'ils sont eux-mêmes responsables de leur propre succès en utilisant leurs propres ressources, leurs habiletés ou en leur permettant de faire des choix dans le contenu ou la façon de se l'approprier.

Satisfaction: plaisir et confort dans la réalisation de la tâche

On peut assurer la satisfaction des apprenants en expliquant clairement tant la tâche à accomplir que la récompense à obtenir lorsqu'elle sera complétée. Selon Keller (1987a), l'effort et la performance sont directement reliés à la satisfaction. Les stratégies de soutien motivationnel des apprenants à distance doivent avoir pour but d'entretenir par des interventions fréquentes, le niveau de satisfaction des apprenants. Des rétroactions pertinentes, fréquentes et encourageantes sont de bonnes stratégies lorsque l'on souhaite accroître la satisfaction. D'autres stratégies comprennent les éloges personnels ainsi que des informations transmises à l'apprenant faisant le point sur son cheminement.

L'étude de Visser

L'intervention de Visser (1998) consiste essentiellement à envoyer des messages imprimés aux étudiants. Chaque message est conçu et produit pour faire ressortir une ou plusieurs des composantes du modèle de Keller. Une analyse préalable des besoins des étudiants permet de personnaliser les messages pour certains groupes. D'autres messages ne sont pas personnalisés et sont identiques pour tous.

Visser et ses collaborateurs (1999) réalisent aussi des entrevues auprès des étudiants pour connaître leur réaction à la réception des messages. Ils comparent les résultats des groupes d'étudiants qui ont reçu des messages à ceux des années antérieures pour vérifier l'efficacité de leur intervention (taux de réussite). Ils évaluent enfin les coûts reliés à ce type de stratégie.

Leur étude se réalise en deux étapes: une étude pilote et une étude principale.

L'étude pilote veut répondre à la question suivante: est-il possible de concevoir des messages motivationnels, appuyés sur le modèle ARCS (Attention, Relevance, Confiance, Satisfaction), qui seraient efficaces dans des cours à distance? Elle vise également à mesurer l'efficacité et la validité des messages. Huit messages sont conçus pour un cours qui sert de groupe pilote. Chaque message porte sur un besoin motivationnel de l'étudiant. Dix-neuf étudiants de treize pays différents ont participé à l'étude qui a duré huit mois. L'efficacité et la validité sont évaluées par des tests sur le bagage des étudiants, un questionnaire final portant sur la pertinence, l'apparence et le format des messages, les données sur les étudiants des années précédentes, les données sur les interactions avec la personne tutrice (durée, fréquence et nombre de communications), des interviews avec les différents acteurs et les étudiants. L'efficacité est mesurée en comparant le taux de réussite des étudiants avec ceux des années antérieures.

L'étude principale répond à deux questions. La première est de connaître l'efficacité du modèle ARCS en éducation à distance. La deuxième est de connaître la différence, en matière d'efficacité et de coût, entre les messages personnalisés et non personnalisés. Encore une fois, huit messages sont acheminés. Pour les messages personnalisés, la personne tutrice décide du nombre en s'appuyant sur les besoins perçus. L'efficacité est mesurée en comparant le taux de réussite à celui des années antérieures. Le coût est évalué par l'efficacité et le temps consacré par la personne tutrice. Quatre cours sont sélectionnés pour l'étude. Il y a un groupe témoin. Un questionnaire est remis aux étudiants au début et à la fin de l'expérimentation. Des interviews téléphoniques sont réalisées auprès de deux étudiants. Les données sur le temps de tutorat, le nombre d'interactions et leur contenu, sont recueillies. Des interviews auprès des tuteurs et employés du collège sont réalisées.

Les résultats obtenus sont de trois ordres: les réactions des étudiants, les taux de réussite et les coûts.

Les réactions des étudiants sont positives: les messages sont appréciés, ils contribuent à les motiver et les aident à poursuivre leur formation. Les étudiants affirment également que les messages les encouragent à continuer et sont agréables à recevoir. Cependant, les auteurs n'observent pas de différence dans la réaction des étudiants selon le type de messages acheminés (personnalisé ou non personnalisé).

Les taux de réussite ont doublé. Dans l'étude pilote, il est passé de 32 % à 53 %, soit une variation de Δ = +21 %. Pour l'étude principale, l'écart est encore plus élevé. Deux cours ont été soumis à l'expérience et, dans l'un d'eux, la réussite est passée de 37 % (30 étudiants) à 67 %, soit Δ = 30 %. Pour le second, la hausse a été de Δ = 31 %, passant de 30 % à 61 %.

En ce qui a trait aux coûts d'implantation et d'opération, les deux études indiquent que le coût des messages personnalisés est très élevé parce que ces messages nécessitent une conception adaptée à chaque étudiant. Cette pratique augmente donc la charge de travail de la personne tutrice. Il est à noter, cependant, que le taux de réussite est plus élevé pour les messages personnalisés que pour ceux qui ne le sont pas. En effet, les données précisent que 79 % des étudiants qui ont eu des messages personnalisés ont réussi le cours, alors que 58 % de ceux qui recevaient des messages non personnalisés en ont fait autant. Ce résultat est important et positif (D = +21 %), mais non significatif selon les auteurs, car cette expérimentation a été réalisée sur des effectifs limités.

Méthodologie

L’intervention sur la motivation dans l’étude menée par le GIREFAD veut reproduire une expérience semblable à celle de Visser pour vérifier si la production de messages de motivation non personnalisés, à partir du modèle de Keller, peut influencer favorablement la réussite des apprenants. Les messages produits sont les plus standards et les moins personnalisés possibles, l’un des objectifs étant de vérifier l’impact d’une stratégie simple et peu coûteuse de soutien à la motivation qui serait éventuellement proposée aux concepteurs et aux personnes tutrices.

La présente recherche se distingue cependant de celle de Visser (1998) et Visser et al. (1999) sous différents aspects :

Les étudiants

Cent-soixante-quatorze (174) étudiants étaient inscrits aux quatre cours retenus. Les quatre cours ont été choisis pour l’ensemble des volets de ce projet de recherche. Ils devaient avoir été édités récemment, utiliser des technologies variées, toucher différents domaines de connaissances et prévoir des activités d’encadrement (l’étude portant sur l’encadrement des étudiants). Les 4 cours retenus sont : un cours de deuxième cycle en finance de la Télé-université, et trois cours de premier cycle : un premier en informatique de la Télé-université (Téluq), un deuxième en soins infirmiers de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et enfin, un troisième en scénarisation de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Seize (16) étudiants ont abandonné avec remboursement, ce qui veut dire que 158 étudiants sont soumis à l’intervention : 27 au cours de finance, 52 dans le cours d’informatique, 63 en soins infirmiers et 16 en scénarisation. La majeure partie des effectifs est en formation continue. Ceux inscrits au cours de deuxième cycle sont des professionnels en exercice. Pour le cours en soins infirmiers, ce sont très largement des femmes professionnelles.

Le matériel

La production des messages est réalisée par un effort de conformité avec les éléments qui caractérisent chaque composante du modèle de Keller. Elle s’appuie aussi sur le type de message acheminé par Visser (1998). Le Tableau 1 identifie les éléments caractéristiques de chaque composante du modèle de Keller et les consignes (3e colonne) qui ont servi à la construction des messages. Pour la composante attention, l’essence du message est de centrer l’intérêt sur l’apprentissage et sur le premier travail noté en rappelant à l’étudiant la disponibilité de la personne tutrice.FN 1 Le message sur la confiance veut amener l’étudiant à prendre conscience de sa capacité de réussite en l’invitant à se rappeler ses expériences d’apprentissage passées. La pertinence renvoie à la question pourquoi, le message qui est alors envoyé porte sur les liens à faire entre le contenu du cours et les besoins, la pratique ou l’expérience de l’étudiant. Enfin, le message sur la satisfaction vise à développer des sentiments positifs liés aux efforts fournis et aux apprentissages faits; il encourage aussi à compléter le cours.

Tableau 1. Caractéristique des messages selon la composante visée

Composante Éléments caractéristiques Produire un message qui …
Attention Intérêt

Apprentissage

Tâche prioritaire

Traite de l’apprentissage.

Mentionne le premier travail noté.

Considère les besoins et les
attentes de l’apprenant.

Rappelle les services de tutorat.

Confiance Capacité à réussir

Croyance en ses compétences

Responsable de sa réussite

Rappelle qu’il est toujours temps de débuter pour ceux qui ne l’ont pas fait.

Encourage au travail régulier et soutenu.

Insiste sur les compétences et les acquis de l’apprenant.

Mentionne les expériences de réussite passées de l’apprenant.

Rappelle l’existence du service de tutorat.

Pertinence Besoins

Choix et responsabilité

Feedback et experience

Invitation à faire des liens : contenu et expérience, contenu et pratique, contenu et besoin.

Donner et trouver un sens dans son projet de formation.

Satisfaction Transfert

Renforcement

Sentiment positif

Reconnaître l’effort fourni.

Autosatisfaction (vous avez raison
d’être satisfait).

Reste quelques efforts pour compléter
Voir comment les acquis serviront.

Quatre messages ont été acheminés (voir des exemples de messages en Annexe 1). Chaque message vise une seule composante du modèle de Keller, de façon à intervenir sur une composante de la motivation pour chaque intervention. Il est possible que certains messages renvoient, malgré tout, à deux ou trois composantes. L’attention est le premier message acheminé parce qu’il invite l’apprenant à se centrer directement sur ce qu’il doit faire. Les questions acheminées aux apprenants de l’étude de Visser (1998, p. 146) démontrent que la confiance est l’élément central de leur préoccupation en début de cours. Ainsi, le deuxième message porte sur cette dimension et il est acheminé relativement tôt dans le cours. Au fur et à mesure que le cours avance, certains éprouvent des difficultés liées à divers facteurs. Le troisième message veut donc légitimer la place et l’importance du cours dans la vie de l’apprenant. Il se centre sur la pertinence. Finalement, la satisfaction du travail et de l’effort fournis apparaît comme élément favorisant une image positive du travail accompli et assure le soutien de la motivation jusqu’à la fin du cours. Les messages sont acheminés au nom de la TÉLUQ, de l’UQAT et de l’UQAR, selon l’établissement de l’étudiant. Sur une période de 15 semaines, les envois se font à la deuxième semaine (attention), à la cinquième semaine (confiance), à la neuvième semaine (pertinence) et à la quatorzième semaine (satisfaction).

Les données recueillies sont de trois types :

Pour les données quantitatives, différents calculs sont effectués :

Résultats

Les commentaires des étudiants

Les commentaires recueillis auprès des étudiants proviennent d’entrevues réalisées auprès de neuf d’entre eux. Ils sont de deux types. Le premier contient des réponses non favorables : « je n’ai pas de problèmes de motivation donc ça sert à rien ». Le deuxième contient des commentaires positifs par rapport aux messages : « Des fois ça arrivait à un bon moment; à des moments où tu peux trouver ça un peu difficile ». Le second type constitue la majeure partie des commentaires relevés, permettant de penser que les messages sont bien reçus et produisent un effet positif.

La réussiteFN 2

Le taux de réussite pour le cours informatique (voir graphique 1) se présente ainsi : la première offre se fait à l’été 2002 (É-2002) et le taux de réussite est de 68,3%; à l’automne 2002 (A-2002), il passe à 63,5%; à l’hiver 2003 (H-2003), il est à 62,9%; pour les trimestres É-2003 et A-2003, ils sont respectivement de 32,4% et de 60,9%.

Graphique 1. Taux de réussite du cours en informatique selon le trimestre (A pour automne, E pour été et H pour hiver)

Graph 1

À l’automne 2003, au moment de l’intervention, le taux de réussite double par rapport au trimestre précédent, passant de 32,4% à 60,9%. Cependant, il apparaît stable lorsqu’on le compare aux trimestres antérieurs. Pour l’hiver 2003, l’automne 2002 et l’été 2002, il est respectivement de 62,9%, de 63,5% et de 68,3%.

Pour le cours en soins infirmiers (graphique 2), des données existent pour les trimestres É-2002 et A-2003 ; les taux sont respectivement de 89,3% et 93,7%.

Graphique 2. Taux de réussite du cours en soins infirmiers selon le trimestre (A pour automne et E pour été)

Graph 2

Avant l’automne 2003, ce cours a été offert une seule fois. Le taux de réussite passe de 89,3% à 93,7% lors du trimestre de l’intervention sur la motivation

Pour le cours de scénarisation (graphique 3), les taux de réussite sont de 71,4 % à l’hiver 2001, de 74,1 % à l’automne 2001, 64,7 à l’hiver 2002, 50 % à l’automne 2002 et à l’hiver 2003 et de 64,3 % à l’automne 2003.

Graphique 3. Taux de réussite du cours en scénarisation selon le trimestre (A pour automne et H pour hiver)

Graph 3

L’intervention à l’automne 2003 paraît efficace si on compare les résultats aux deux trimestres précédents. Alors qu’à l’hiver 2003 et l’été 2002 il était à 50%, il passe à 64,3% lors de l’intervention. Cependant, pour les trimestres précédents, il était de 64,7% (hiver 2002), 74,1% (automne 2001) et de 71,4% (hiver 2001).

À la suite de l’intervention, les taux de réussite varient pour deux cours informatique et scénarisation sur les trois considérés si l’on compare le taux de réussite de l’automne 2003 avec le trimestre précédent. Lorsqu’on fait la comparaison avec un plus grand nombre de trimestres, ce n’est plus le cas. En fait, les taux de réussite varient trop, d’un trimestre à l’autre, pour leur attribuer un effet dû à l’intervention réalisée.

Les moyennes et les taux de A et B

Ici, deux types de résultats sont mis en évidence : la moyenne et le taux de A et de B. Pour la moyenne, deux calculs différents sont réalisés. Une première moyenne qui inclut tous les résultats et une autre qui exclut les échecs. La moyenne sans les échecs (S-E) est calculée parce que certains cours, comme en informatique (INF), comptent un nombre élevé d’échecs techniques (Tableau 2). La moyenne qui inclut les échecs augmente légèrement par rapport au trimestre précédent dans deux cours : scénarisation (ART) et soins infirmiers (SSN), elle augmente un peu plus dans le cours scénarisation (s’élevant de 1,80 à 2,20 sur 4,30) et diminue légèrement dans le cours informatique. Toutes ces variations demeurent trop faibles pour être associées directement à l’intervention, au mieux peut-on l’envisager pour le cours scénarisation. La moyenne qui exclut les échecs (S-E) varie encore plus faiblement. Dans tous les cas, la variation des moyennes, d’un trimestre à l’autre, est généralement trop élevée pour que l’on puisse associer la variation observée à l’automne 2003, à l’intervention.

Tableau 2. Moyenne des cours, avec et sans les échecs (S-E), selon le trimestre (A pour automne, E pour été et H pour hiver)

Table 2

Le taux de résultats scolaires élevés (se traduisant par des A ou des B) augmente peu, si on le compare au trimestre précédent. Il paraît nul, lorsqu’on le compare à l’ensemble des trimestres (Tableau 3). Ce sont dans les cours informatique (INF) et scénarisation (ART) que l’on note une hausse des résultats par rapport au trimestre précédent, mais celle-ci devient une baisse pour le cours informatique ou une stagnation pour scénarisation lorsqu’on compare ces résultats à l’ensemble des trimestres antérieurs.

Tableau 3. Proportion de A et de B, selon le cours et le trimestre (A pour automne, E pour été et H pour hiver)

Table 3

Analyse et Discussion

À l’exception du cours scénarisation, ni la réussite, ni les moyennes, ni la proportion de résultats scolaires élevés, n’augmentent de façon sensible à la suite de l’intervention. Si l’on compare les données sur une longue période, l’intervention sur la motivation avec une procédure de messages non personnalisés a peu ou pas d’influence sur la réussite scolaire dans les cours retenus dans cette étude. Les résultats légèrement positifs pour le cours scénarisation peuvent s’expliquer de trois façons. La première peut être simplement le fait d’un contexte particulier lié aux effectifs sous études : des étudiants qui peuvent, entre autres, être plus engagés dans leur processus. La deuxième peut être due à un effet Hawthorne. Par exemple, la conscience qu’a le professeur d’être soumis à une expérimentation peut l’amener, inconsciemment, à assurer une plus grande réussite. La troisième est que l’intervention est efficace dans ce cas. Il est possible que nous ayons comblé une demande effective des étudiants sur le plan de la motivation. De fait, le concepteur du cours « affirme clairement vouloir éviter ce qui est affectif et désire tout traiter en développant une relation professionnelle « réalisateur – scénariste » » (Deschênes et al., 2004, p. 14).

Par comparaison avec l’étude de Visser (1998), il importe de souligner que les taux de réussite qu’elle obtient, à la suite de l’intervention, correspondent à peu de chose près, aux taux initiaux les plus faibles des cours retenus dans la présente étude. Il devient donc plus difficile d’observer une augmentation substantielle du taux de réussite lorsque celui-ci se situe déjà dans les 60%. Il est encore plus difficile de l’observer lorsqu’il se situe dans les 90%.

On peut par ailleurs souligner, comme l’avait observé Visser et ses collaborateurs, que les étudiants apprécient l’envoi des messages même s’ils n’ont pas d’effet perceptible ou important sur la performance ou la réussite. On peut peut-être proposer l’hypothèse d’expliquer cette attitude des étudiants par le fait qu’ils ont le sentiment qu’il y a quelqu’un dans l’établissement où ils sont inscrits qui se préoccupe de leur réussite sans qu’il soit nécessaire qu’ils fassent une demande formelle. Les étudiants peuvent ainsi avoir une satisfaction plus grande sans qu’il y ait nécessairement un impact sur les résultats académiques (Eom, Wen et Ashill, 2006). Ce sentiment peut cependant avoir des effets sur d’autres dimensions de leur formation comme sur leur désir de se réinscrire à cet établissement ou de poursuivre leurs études.

De plus, l’offre d’encadrement exercée par les personnes tutrices des cours de cette étude n’apparaît pas du même ordre que celle des cours de Visser. On peut penser que les interactions plus fréquentes et le soutien plus soutenu de la part des personnes tutrices dans les cours retenus pour la présente étude, constituent une forme d’assistance où une bonne partie des besoins d’encadrement des étudiants sont pris en charge. Dans l’étude de Visser (Visser et al., 1999), les auteurs précisent qu’il n’y a pas de communication directe entre le tuteur et les étudiants et que les seules interventions d’encadrement sont des rétroactions, ce qui constitue un minimum sur le plan du soutien à l’apprentissage.

Si le modèle de Keller offre une structure intéressante (les 4 composantes) pour analyser une demande et intervenir plus efficacement sur le plan de la motivation, il néglige cependant le fait que l’apprentissage est une démarche comprenant différentes dimensions en interaction (cognitif, affectif, métacognitif, etc.). On peut penser, par exemple, qu’une intervention efficace sur le plan du contenu (cognitif) ou sur le plan de la démarche (métacognitif) pourrait avoir un impact important sur la motivation de l’étudiant. Il nous apparaîtrait donc nécessaire de mieux décrire ces différents types d’interactions entre les dimensions de l’apprentissage pour tracer un modèle plus complet de la motivation et soutenir une formation plus « rentable ».

Malgré tout, il semble pertinent d’intervenir auprès des concepteurs pour qu’ils insèrent dans la documentation des cours, des activités ou des informations qui portent explicitement sur la motivation et sur les aspects affectifs de l’apprentissage. On pourrait ainsi légitimer (reconnaître) ces dimensions, encourager les étudiants à les prendre en compte et à utiliser les diverses ressources disponibles pour les aider dans ces secteurs. On pourrait également prévoir, dès la conception des cours, la formation des tuteurs sur les différents facteurs qui influencent la motivation, sur l’identification des motivations de l’apprenant et sur la façon d’intervenir auprès des apprenants à distance. Cette intervention pourrait être structurée en fonction des éléments suivants :

Au fur et à mesure que progressent ces travaux, il apparaît de plus en plus probable qu’une intervention sur la motivation sera plus efficace si elle est plus spécifique (porte sur un objet précis, ce que permet le modèle de Keller) mais aussi si elle arrive au bon moment (dans un contexte et à une étape qui s’y prête), ce qui encourage à développer des interventions plus personnalisées dans la suite de nos recherches.

Enfin, deux autres éléments méritent considération : l’ordre des composantes visées et le calendrier d’envoi. Il est fort probable que les messages ne correspondent pas toujours aux besoins des étudiants lorsqu’ils le reçoivent. Par exemple, si l’on sait, comme l’indique Visser (1998, p. 146), que la confiance est le premier élément sur lequel il faut intervenir, le message qui lui correspond devrait être acheminé en premier. L’attention n’est peut-être pas le premier message à envoyer. Le cheminement de chacun ne correspond sans doute pas non plus au calendrier planifié. Par exemple, près d’un mois après le dernier message envoyé, 27 étudiants du cours informatique étaient toujours en demande de report. L’envoi des messages par les personnes tutrices, à l’image de Visser (1998), est peut-être le chemin à privilégier pour assurer un envoi mieux adapté aux besoins de chacun.

Annexes 1

Exemple de message « Attention (UQAR) »

Exemple de message « confiance » (TÉLUQ)

Exemple de message « pertinence » (UQAT)

Exemple de message « satisfaction » (TÉLUQ)

Références

Bourdages, L. (2001). La persistance aux études supérieures : une histoire de sens : le cas du doctorat. Sainte-Foy : Presses de l'Université du Québec.

Deschênes, A.-J., Morin, V., Raby, F. et Page-Lamarche, V. (2008a). Analyse des activités d'encadrement - Résultats. Québec : Télé-université (document non publié).

Deschênes, A.-J., Morin, V., Raby, F., et Page-Lamarche, V. (2008b). Analyse des activités d'apprentissage - Résultats. Québec : Télé-université (document non publié).

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Martin Maltais est chercheur indépendant sur le financement des universités québécoises et sur l'administration de la formation à distance. Il intervient à la TÉLUQ comme chargé d'encadrement. Il complète actuellement un doctorat à l'Université Laval, sur la politique de bimodalité d'établissements universitaires de tradition campus. E-mail: maltais.martin@teluq.uqam.ca

André-Jacques Deschênes est professeur et concepteur de programmes et de cours portant sur la formation à distance à la Télé-université. Il contribue à des recherches sur le matériel de cours diffusé à distance, en particulier sur les activités d'apprentissage et d'encadrement. Il est chercheur régulier au Centre interuniversitaire sur le télé-apprentissage (CIRTA) et au Groupe interinstitutionnel de recherche en formation à distance (GIREFAD). E-mail: deschenes.andre-jacques@teluq.uqam.ca