Barrières à l’apprentissage en ligne dans un contexte de développement des compétences chez les professionnels de santé publique au Québec

Céline Farley et Salomon Tchameni Ngamo

VOL. 25, No. 2

Résumé

Un questionnaire a été acheminé à 66 personnes admises au microprogramme de 2e cycle en santé publique réparties en deux groupes : abandon  et  persévérance.

Des analyses descriptives et l’utilisation des tests d’association ont été effectuées pour comparer les groupes abandon et persévérance. La charge de travail ainsi que le temps et l’environnement immédiat sont les deux principales barrières à l’apprentissage en ligne. D’autres facteurs de moindre importance (habiletés technologiques) ont aussi découragé quelques répondants à poursuivre le programme. Une amélioration des conditions d’apprentissage et des mesures incitatives du milieu professionnel sont identifiées comme leviers d’action qui permettraient aux apprenants de gérer adéquatement les exigences de la formation.

Abstract

A survey was sent to 66 learners admitted to the graduate microprogram in public health (“microprogramme de 2e cycle en santé publique”) and divided into two groups: “withdrawal” and “resilient”.

The two groups were compared using descriptive analyses and association tests. Workload, work environment as well as time were reported as being the main obstacles to online learning. Other lesser factors (e.g., technical skills) also discouraged some learners to continue the program. Professional incentives as well as the improvement of learning conditions were identified as springboards that would allow learners to manage the training requirements in an adequate manner.

Introduction : contexte général de l’étude

Un microprogramme de formation continue en santé publique de 2e cycle comprenant 16 crédits est dispensé entièrement en ligne depuis 2007 (http://www.inspq.qc.ca/formation/default.asp?E=e&type=10&Numero=1106). Ce programme permet aux cadres et aux professionnels en exercice d’acquérir les compétences requises pour assumer les fonctions essentielles de santé publique (surveillance, protection et promotion de la santé, prévention des maladies et des traumatismes) afin de soutenir le réseau de 1re ligne quant à la responsabilité populationnelle au niveau local. Il s’agit d’une collaboration entre l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), l’Université de Montréal, l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Sherbrooke. L’élaboration du microprogramme a bénéficié d'une démarche rigoureuse: analyse de besoins de formation et enquête sur les caractéristiques en matière de préférence pédagogique et d'utilisation des technologies auprès de la clientèle visée, identification et validation des compétences disciplinaires et transversales à développer, soutien technologique et pédagogique (Farley, Laflamme et Raynault, 2009). Un site Internet de collaboration et de dépôt de documents a été créé pour faciliter les communications et le partage d’informations entre les professeurs impliqués dans la conception des cours et assurer la cohérence du programme. En décembre 2009, 20 des 66 (30%) personnes admises à ce microprogramme l’avaient abandonné.

L’apprentissage en ligne connaît un essor considérable avec les opportunités qu’offrent les technologies de l’information et de la communication (TIC). Cependant, la question de la persévérance et de l’abandon des études reste une préoccupation majeure (Poellhuber, Chomienne et Karsenti, 2008; Elliot, Friedman et Briller, 2005; Desmarais, 2000). De nombreuses études révèlent que le taux de diplômation pour l'apprentissage en ligne demeure faible et se situe entre 20% et 45% (Karsenti, Tchameni Ngamo et Villeneuve; 2009). Même si les chiffres disponibles sont rares, une étude réalisée par Gauthier (2001) pour l'Observatoire de la formation de l'emploi et des métiers de France concernant l’apprentissage en ligne souligne que la plupart des sources s'accordent sur un taux moyen d'abandon de 80% (entre 70% et 90%) pour tous les publics, niveaux d'enseignement et types d'écoles : résidentiels, universités et écoles de métiers. Selon Poelhuber (2007) les données sur l’abandon et la persévérance des cours en ligne semblent absentes, mal documentées ou difficiles à interpréter. À la suite d’une recension des écrits, Audet (2008) cite des pourcentages élevés d’abandon en formation à distance et souligne la difficulté à comparer les résultats des rapports statistiques et des recherches originales sur ce sujet.

À la lumière de ces informations, cette étude a été menée afin d’identifier les barrières à l’apprentissage en ligne chez les professionnels admis à suivre un microprogramme de 2e cycle en santé publique dans le cadre de leur formation continue.

Cadre conceptuel

Plusieurs théories explicatives de l’abandon et de la persévérance des étudiants en formation à distance (FAD) ont été élaborées au cours des dernières décennies (Berge et Huang, 2004; Sauvé, Debeurme, Fournier et Fontaine, 2006). La FAD vise certes l’accessibilité mais accueille une clientèle présentant des facteurs de risque reconnus à l’abandon précoce : les participants étudient davantage à temps partiel, travaillent plus à temps plein, ont fait plus souvent une pause dans leur éducation et ont des engagements familiaux et sociaux (Audet, 2008).

La majorité des études démontrent que le phénomène de l’abandon et de la persévérance est le résultat d’interactions dynamiques et complexes entre l’environnement, le système éducatif et l’apprenant. Bourdages (1996), à la suite d’une recension des écrits, classe les variables retenues dans la plupart des études effectuées sur le phénomène de l’abandon en formation à distance comme suit : les variables démographiques (âge, sexe, statut civil, origine ethnique ou sociale), les variables environnementales (famille, emploi, conditions matérielles ou géographiques, changement dans la vie), les variables institutionnelles (cours, aide pédagogique, travaux, rétroaction ), les caractéristiques de l’apprenant (style d’apprentissage, antécédents scolaires, motivation) ainsi que l’intégration académique et sociale (interaction avec les membres de l’université, le tuteur, les pairs, interaction entre les variables institutionnelles et les caractéristiques de l’étudiant).

Parmi les théories interactionnistes, on peut citer la théorie de Tinto (1993), dans le contexte des études sur campus, et celle de Kember (1989), dans celui de la formation à distance. Le modèle de Kember (1989), où chaque composante influence la composante suivante (figure 1), permet l’analyse des causes d’abandon et aussi celles qui sous-tendent la persistance dans un contexte de formation à distance. Il met l’accent sur les facteurs relatifs à la vie personnelle et professionnelle de l’étudiant ainsi que sur le support académique et administratif que doit offrir l’institution pour favoriser la persévérance aux études. Le modèle de Kember (1989) présente cinq grandes catégories dont les variables sont énumérées au tableau 1.

Enfin, dans un contexte de formation ligne, la non-maîtrise des habiletés technologiques et informationnelles des étudiants et les problèmes technologiques peuvent causer une perte de motivation et des abandons (Maor et Volet, 2007; Muilenburg et Berge, 2005 ; Tyler-Smith, 2010). Muilenburg et Berge (2005) identifient comme barrières à l’apprentissage en ligne : l’interaction sociale, les enjeux administratifs et pédagogiques, le manque de temps et le soutien aux études, les problèmes techniques, le coût et l’accès à Internet, les habiletés technologiques et les habiletés académiques.

Figure 1: Modèle théorique de Kember (1989) fondé sur la théorie interactionniste de Tinto
concernant l’abandon de programme de formation à distance

Tableau 1 : Catégories et variables du modèle théorique de Kember (1989) et des autres variables retenues pour l’étude.

Variables du modèle de Kember
Variables autres de celles du modèle

Les caractéristiques

a) individuelles : sexe*, âge, statut civil, nombre d’enfants, lieu de résidence

b) familiales : enfants à sa charge, responsabilités parentales

Les caractéristiques

c) au travail : employé ou non durant les études, statut au travail (travail à temps plein ou à temps partiel), responsabilités (tâches liées aux fonctions de santé publique), engagements professionnels (profession) 

d) d’éducation : qualifications académiques, résultats scolaires antérieurs et niveau d’étude

c) au travail : lieu de travail, expériences de travail en santé publique, lieu pour l’étude

d) d’éducation : expérience de formation en ligne, expérience de formation continue, nombre de cours du microprogramme réussis

L’engagement envers les buts

a) motivation intrinsèque : intérêt personnel pour la matière

b) motivation extrinsèque : obtention d’un diplôme, atteinte d’une qualification (amélioration des conditions de travail)

L’engagement envers les buts

a) motivation intrinsèque : pertinence du contenu des cours pour le développement des compétences professionnelles

b) motivation extrinsèque : exigence de l’employeur

L’environnement académique

a) volets de diffusion d’un cours : charge de travail, matériel pédagogique, interaction entre le tuteur et l’étudiant, préalables (connaissance du champ de la santé, des outils technologiques, autonomie, stratégies de planification, maîtrise de la langue)

b) affiliation collective: interactions avec le personnel de soutien administratif, d’encadrement et de support, rôle des tuteurs et de leurs contacts avec les étudiants

c) congruence normative: degré de compatibilité entre le contenu du programme ou du cours et les intérêts ou besoins professionnels de l’étudiant

L’environnement académique

Habiletés technologiques: naviguer sur un environnement informatisé, sur Internet sur Web CT ou Moodle, utiliser de nouveaux logiciels (ex. Elluminate…), capacité à utiliser le forum de discussion

Intégration sociale : interaction avec les autres étudiants en ligne, manque de contact humain, collaboration avec les autres étudiants, sentiment d’isolement

L’environnement social et professionnel

a) Soutien de la famille, du réseau d’amis, des collègues de travail, les conditions de travail propices à une bonne intégration études-travail (gestion de temps, aménagement de l’horaire, valorisation des études, etc.)

L’environnement social et professionnel

Temps et environnement immédiat : manque de temps, interruptions fréquentes pendant les heures d’étude, soutien matériel dans le milieu de travail (accès ordinateur, Internet), déséquilibre entre les obligations professionnelles et les études, déséquilibre entre les obligations familiales et les études

L’analyse des coûts/bénéfices renvoie à l’analyse que fait l’étudiant des coûts (en temps et en argent) exigés par le projet d’études et les bénéfices qu’il croit pouvoir en retirer
Aucune

* Les variables en gras correspondent à celles du modèle de Kember (1989) qui sont aussi incluses dans le questionnaire.

Méthode

L’outil de mesure est inspiré du modèle de Kember (1989) et des travaux de Muilenburg et Berge (2005). Le tableau 1 présente les variables mesurées. Sa construction a été réalisée dans le cadre d’une étude menée auprès de 1049 participants (403 répondants) dans le but de cerner les facteurs favorisant la persévérance ou contribuant à l’abandon au programme de formation continue en ligne  Amélioration des compétences en santé publique  (Farley, Rivard et Cionti Bas, 2009). Ce construit présente six dimensions validées par des analyses factorielles : habiletés technologiques, préalables, temps et environnement immédiat, intégration sociale, intégration académique et charge de travail. Avec un niveau de consistance élevé (alpha de Cronbach supérieur à 0,85), ces dimensions ont guidé l’analyse des données et la présentation des résultats.

Le questionnaire comprenait 27 questions dont la majorité étaient fermées et réparties en trois sections. La première section permettait d’identifier des caractéristiques sociodémographiques et celles reliées au travail. La seconde visait à identifier les caractéristiques d’éducation et les raisons qui ont incité l’étudiant à s’inscrire au microprogramme. Enfin, la troisième section identifiait les barrières perçues ou vécues durant la formation en ligne. Le participant indiquait dans quelle mesure il considérait les éléments cités comme étant des barrières à sa formation en ligne à l’aide d’une échelle de Likert à quatre niveaux. Le participant disposait d’une question ouverte afin d’indiquer d’autres éléments qui auraient pu influencer son abandon ou sa persistance.

Des analyses descriptives ont été faites: calcul des moyennes en attribuant aux quatre niveaux de l’échelle de Likert les valeurs de 1 à 4 (pas du tout = 1, un peu = 2, moyen = 3, beaucoup = 4) et utilisation des tests d’association (type χ2) pour comparer les deux groupes.

Pour mieux cerner les différences entre les répondants des régions sociosanitaires du Québec, ces dernières ont été regroupées en trois catégories (tableau 2). Cette catégorisation s’est faite sur la base de la taille de la population et de la proximité des institutions d’enseignement offrant des programmes de formation de 2e cycle en santé publique.

Tableau 2: Regroupement des régions sociosanitaires par catégorie

Catégories Régions sociosanitaires du Québec
Grand centre 03 Capitale-Nationale, 05 Estrie, 06 Montréal, 16 Montérégie
Intermédiaire 04 Mauricie et Centre du Québec, 07 Outaouais, 12 Chaudière-Appalaches, 14 Lanaudière, 15 Laurentides.
Éloignée 01 Bas-St-Laurent, 02 Saguenay-Lac-St-Jean, 08 Abitibi-Témiscaminque, 09 Côte-Nord, 10 Nord-du-Québec, 11 Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, 17 Nunavik, 18 Terres-Cries-de-la-Baie-James.

Le questionnaire a été acheminé par le biais de SurveyMonkey™,  (http//www.surveymonkey.com) à 66 personnes admises au microprogramme en santé publique et réparties en deux groupes : abandon et persévérance. Le groupe  abandon comprend les étudiants ayant quitté officiellement le programme sans obtenir leur diplôme et ceux qui ne se sont pas réinscrits pendant quatre trimestres successifs et plus. Quant au groupe persévérance, il comprend les étudiants admis au programme qui se sont inscrits au moins à un cours chaque session ou ceux qui ne se sont pas réinscrits pendant trois trimestres successifs ou moins.

L’enquête s’est déroulée du 26 juin au 10 septembre 2009, et deux messages de rappel ont été envoyés, le 6 juillet et le 31 août 2009 respectivement. Huit adresses se sont avérées erronées; ce qui ramène à 58 personnes la population à l’étude.

Le questionnaire a été complété sur une base volontaire. Les apprenants ont été avisés de l’engagement de l’INSPQ à ne diffuser que des résultats, de façon agrégée. Une seule personne s’est chargée de la réception du questionnaire rempli afin de garantir l’anonymat des répondants.

Résultats

Trente-neuf des 58 personnes ont répondu au questionnaire, soit un taux de réponse de 67,24%. Parmi les répondants, 18 appartenaient au groupe abandon  et 21 au groupe persévérance. Les principaux résultats sont présentés dans la section suivante.

Caractéristiques des répondants

Les répondants sont principalement de sexe féminin (34/39). Ce chiffre correspond à peu près à la proportion de femmes (64/74) admises dans l’ensemble du microprogramme au moment de l’enquête. Trois sur cinq répondants de sexe masculin ont abandonné le programme alors que pour les répondants de sexe féminin le nombre d’abandon est de 15 sur 34.

Parmi les répondants 23/39 (59%) étaient âgés de 44 ans et moins. Les répondants qui persistent au sein du microprogramme semblent davantage appartenir au groupe de 44 ans et moins avec une proportion de 56% (10/18) dans le groupe abandon et 62% (13/21) dans le groupe persévérance.

Les agents de planification, de programmation et de recherche (18/39 : 46%) et les cadres (8/39 : 20%) représentent les proportions de répondants les plus importantes. Parmi les répondants, 15 ont un niveau d’études du 1er cycle et 24 un niveau du 2e ou 3e cycle.

Dans l’ensemble, les répondants proviennent de 11 des 18 régions sociosanitaires du Québec. Les régions éloignées (Abitibi-Témiscaminque, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Côte-Nord, Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine) possèdent le nombre le plus élevé de répondants avec un total de 19/39 (49%) et la proportion la plus élevée des répondants qui ont abandonné 10/18 (56%). Et 16/39 (40%) répondants appartiennent aux régions du grand centre (Capitale-Nationale, Estrie, Montréal et Montérégie) alors que 4/39 (11%) proviennent des régions intermédiaires (Mauricie/Centre du Québec, Chaudière-Appalaches, Laurentides).

Peu de répondants pratiquaient dans les régions qualifiées d’intermédiaires. Cette catégorie a été regroupée avec la catégorie régions éloignées afin de cerner l’existence d’une association entre le taux de persévérance/abandon et la région de travail (tableau 3). On observe une association entre le taux d’abandon et le lieu de pratique des répondants pour une valeur de p ≤ 0,1. Comparativement aux répondants des régions du grand centre, ceux des régions intermédiaires et éloignées semblent présenter un taux d’abandon plus élevé (72%).

Tableau 3: Taux de persévérance/abandon selon le lieu de résidence

Lieu de résidence
Abandon
Persévérance
Total
Nombre (%)
Nombre (%)
Nombre (%)
Grand centre
5 (28%)
11 (52%)
16 (41%)
Régions intermédiaires et éloignées
13 (72%)
10 (48%)
23 (59%)
Total
18 (100%)
21(100%)
39 (100%)

χ2 = 2,425 dll 1, p ≤ 0,1

Considérant un p ≤ 0,3, on observe une association entre le taux d’abandon et les niveaux de pratique des répondants (tableau 4). Comparativement aux répondants qui pratiquent en 2e et 3e lignes ceux de la 1er ligne présentent un taux d’abandon plus élevé.

Tableau 4: Taux de persévérance selon le niveau de pratique

Niveau de pratique
Abandon
Persévérance
Total
Nombre (%)
Nombre (%)
Nombre (%)
1re ligne
11 (61%)
10 (48%)
21 (54%)
2e et 3e lignes
7 (39%)
11 (52%)
18 (46%)
Total
18 (100%)
21(100%)
39 (100%)

χ2 = 0,709 dll 1, p ≤ 0,3

Plus des trois quarts des répondants travaillent à temps plein. Le tableau 5 montre que la proportion des répondants qui travaillent à temps plein semble plus importante pour le groupe persévérance (81%).

Tableau 5: Répartition des répondants selon le statut d'emploi

Statut au travail
Abandon
Persévérance
Total
Nombre (%)
Nombre (%)
Nombre (%)
Temps plein
13 (72%)
17 (81%)
30 (77%)
Temps partiel
5 (28%)
4 (19%)
9 (23%)
Total
18 (100%)
21(100%)
39 (100%)

Concernant le nombre d’années d’expérience (tableau 6) en santé publique, les répondants ayant moins de cing ans d’expérience présentent un taux de persévérance supérieur aux répondants ayant plus de cinq ans d’expérience (p ≤ 0,5).

Tableau 6: Taux de persévérance/abandon selon le nombre d'années d'expérience

Statut au travail
Abandon
Persévérance
Total
Nombre (%)
Nombre (%)
Nombre (%)
Moins de 5 ans
8 (44%)
11 (52%)
19 (49%)
Plus de 5 ans
10 (56%)
10 (48%)
20 (51%)
Total
18 (100%)
21(100%)
39 (100%)

χ2 = 0,244 dll 1, p ≤ 0,5

Un peu moins de 25% des répondants de chaque groupe (abandon 4/18 et persévérance 5/21) affirment avoir une expérience d’apprentissage en ligne. Les expériences citées par les répondants sont relatives aux modules en ligne du programme Amélioration des compétences en santé publique dispensé par l’Agence de santé publique du Canada.

Concernant les cours du microprogramme en santé publique suivis par les répondants au moment de l’enquête, le taux d’échec ou d’abandon au premier cours et le nombre moyen de cours réussis ont été calculés pour chacun des groupes. Le taux d’échec ou d’abandon au premier cours est de 50% dans le groupe abandon alors qu’il n’est que de 5% dans le groupe persévérance. Quant au nombre moyen de cours, il est de 1,72 cours/personne dans le groupe abandon comparativement à 3,80 cours/personne dans le groupe persévérance.

La majorité des répondants (31/39) ont privilégié leur domicile pour leurs études.

Engagements envers les buts

Les répondants des deux groupes se sont inscrits au microprogramme en santé publique principalement parce qu’ils ont jugé le contenu des modules pertinent pour développer leurs compétences professionnelles et par intérêt personnel (tableau 7). Aucun répondant ne s’est inscrit parce que son employeur l’exigeait. Parmi les répondants du groupe persévérance, six se sont inscrits au microprogramme pour améliorer leurs conditions de travail.

Tableau 7: Raisons ayant motivé l'inscription des répondants au microprogramme

Raisons pour l’inscription au microprogramme
Abandon
Nombre (%)
Persévérance
Nombre (%)
Le contenu des modules est pertinent pour développer mes compétences professionnelles
14/18 (77%)
15/21 (71%)
Par intérêt personnel
10/18 (56%)
9/21 (43%)
Pour améliorer mes conditions de travail (augmentation de salaire, nouveau poste…)
0 (0%)
6/21 (29%)
Ce programme de formation est exigé par mon employeur
0/18 (0%)
0/21 (0%)

Barrières reliées à la formation en ligne : Ordre d’importance

La moyenne a été calculée pour chaque facteur et pour chaque item, ce qui permet de classer par ordre d’importance les barrières à l’apprentissage en ligne et de cerner les différences entre les deux groupes. Les scores peuvent prendre des valeurs variant de 1 (pas du tout) à 4 (beaucoup). Comme on peut l’observer au tableau 8, la charge de travail occupe la première place dans les deux groupes. Le facteur temps et environnement immédiat constitue, pour les deux groupes, la deuxième barrière la plus importante, suivi du facteur ntégration sociale. Les habiletés technologiques, l’intégration académique et les préalables sont perçus comme barrières moins importantes chez les répondants des deux groupes avec des moyennes inférieures à 2,0. Considérant un seuil de signification de p ≤ 0,001, deux facteurs différencient statistiquement les deux groupes: la charge de travail et les habiletés technologiques.

Tableau 8: Ordre de priorité des barrières à l'apprentissage en ligne

Barrières à la formation en ligne
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Charge de travail (3 items)*
3,30 (1)
0,81
2,40 (1)
0,83
3,41
0,00
Temps et environnement immédiat (7 items)
2,50 (2)
0,84
2,15 (2)
0,69
1,45
0,15
Intégration sociale (4 items)
2,11 (3)
1,18
2,08 (3)
1,18
0,07
0,95
Habiletés technologiques (6 items)*
1,97 (4)
0,80
1,32 (5)
0,51
3,04
0,00
Intégration académique (12 items)
1,93 (5)
0,61
1,66 (4)
0,61
1,37
0,18
Préalables (5 items)
1,38 (6)
0,41
1,24 (6)
0,30
1,21
0,23

*Différence significative p ≤ 0,001

Charge de travail

Les items qui composent le facteur charge de travail ne représentent pas le même ordre de priorité pour les répondants des deux groupes (tableau 9). Les moyennes du groupe abandon sont significativement supérieures à celles du groupe persévérance (p ≤ 0,05).

Tableau 9: Distribution par groupe des valeurs des items du facteur charge de travail

Facteur
Items
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Charge de travail (3 items)* Q22 6 Une revue de la littérature trop abondante
2,93
0,81
2,40 (1)
0,83
3,41
0,00
  Q22 7 Les activités proposées sont trop longues
3,50
0,84
2,15 (2)
0,69
1,45
0,15
  Q22 8 Le niveau de tâches est trop élevé
3,47
0,96
2,67
1,11
2,38
0,02

Temps et environnement immédiat

Le manque de temps est l’item qui apparaît en 1re position (µ : 3,29) dans le groupe abandon (tableau 10). Il est suivi de trois autres items ayant la même valeur (µ : 2,88): le déséquilibre entre les obligations professionnelles et les études, le déséquilibre entre les obligations familiales et les études et les interruptions fréquentes pendant les heures d’étude. Dans le groupe persévérance les moyennes de ces mêmes items ont une valeur moindre (µ : 2,71; 2,76; 2,25 et 2,10). Considérant un seuil de signification de p ≤ 0,05, on observe une différence significative entre les deux groupes pour l’item les interruptions fréquentes durant les heures d’études. Les items liés au manque de soutien de l’employeur, de la famille et le manque de soutien matériel dans le milieu de travail présentent des moyennes plus faibles variant de 1,50 à 2,38.

Tableau 10: Distribution par groupe des valeurs des items du facteur temps et environnement immédiat

Facteur
Items
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Temps et environnement immédiat Q25 1 Le manque de temps
3,29
1,13
2,71
1,01
1,70
0,10
  Q25 2 Les interruptions fréquentes pendant les heures d’étude
2,88
1,18
2,10
1,04
2,19
0,04
  Q25 3 Le manque de soutien de la famille
1,75
1,06
1,50
0,74
0,86
0,39
  Q25 4 Le manque de soutien matériel dans le milieu de travail (accès ordinateur et Internet)
1,47
0,83
1,65
1,01
-0,61
0,54
  Q25 5 Le manque de soutien de l'employeur (diminution de la charge de travail…)
2,38
1,41
2,06
0,97
0,82
0,41
  Q25 6 Le déséquilibre entre les obligations professionnelles et les études
2,88
1,08
2,76
1,14
0,32
0,75
  Q25 7 Le déséquilibre entre les obligations familiales et les études
2,88
1,23
2,25
1,04
1,74
0,09

Intégration sociale

Les situations d’intégration sociale comme le manque d’interaction avec les pairs, le sentiment d’isolement, le manque de contact humain ou le manque de collaboration avec les autres étudiants ont peine à constituer des barrières à l’apprentissage en ligne chez les répondants des deux groupes. Toutes les moyennes se situent autour de 2 (tableau 11).

Tableau 11: Distribution par groupe des valeurs des items du facteur intégration sociale

Facteur
Items
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Intégration sociale (4 items) Q23 1 Le manque d’interaction avec les pairs
2,19
1,34
2,29
1,31
-0,23
0,82
  Q23 2 Le sentiment d’isolement
2,06
1,21
2,10
1,34
-0,08
0,94
  Q23 4 Le manque de contact humain
2,19
1,25
2,14
1,31
0,11
0,91
  Q23 5 Le manque de collaboration avec les autres étudiants

2,00
1,33
1,81
1,12
0,49
0,63

Habiletés technologiques

Les items tels appliquer les techniques de base pour naviguer dans un environnement informatisé, naviguer sur Internet, utiliser des logiciels de base comme Word ont peu constitué une barrière à l’apprentissage présentant des moyennes inférieures à 2 (tableau 12). Par contre, utiliser de nouveaux logiciels, discuter dans un forum de discussion et naviguer dans l’environnement WebCT ou Moodle l’ont été pour le groupe abandon et ont différencié de manière significative les deux groupes (p ≤ 0,05).

Tableau 12: Distribution par groupe des valeurs des items du facteur habiletés technologiques

Facteur
Items
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Habiletés technolo-giques
(6 items)
Q20 1 Appliquer les techniques de base pour naviguer dans un environnement
informatisé
1,82
0,80
1,38
0,67
0,50
0,62
  Q20 2 Naviguer sur Internet
1,47
1,11
1,81
0,87
0,36
0,72
  Q20 3 Utiliser les logiciels de base (ex. Word)
1,12
1,09
1,40
0,66
1,30
0,20
  Q20 4 Utiliser de nouveaux logiciels
2,38
1,28
1,28
0,80
3,00
0,00
  Q20 5 Discuter dans un forum de discussion
2,56
1,24
2,00
1,05
1,44
0,16
  Q20 6 Naviguer dans l'environnement de WebCT ou Moodle
2,44
1,24
1,38
0,74
3,29
0,00

Intégration académique

Deux des sept items du facteur intégration académique concernant le travail du tuteur en ligne présentent des moyennes supérieures à 2,5 dans le groupe abandon : le manque de soutien technique et l’absence de consignes claires (µ : 2,56; 2,53). Seul l’item soutien technique différencie les deux groupes (p ≤ 0,00) (tableau 13).

Deux items relatifs aux cours présentent des moyennes supérieures à 2 dans le groupe abandon : les objectifs ne correspondent pas à mes attentes professionnelles et l’absence de consignes claires dans les activités (µ : 2,13; 2,40).

Tableau 13: Distribution par groupe des valeurs des items du facteur intégration normative

Facteur
Items
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Intégration normative (12 items) QTuteur en ligne
Q21 1 Le manque d'expertise du tuteur
1,50
0,80
1,38
0,67
0,50
0,62
  Q21 2 Le manque ou le retard de rétroaction
1,92
1,11
1,81
0,87
0,36
0,72
  Q21 3 La mauvaise préparation du tuteur
1,77
1,09
1,40
0,66
1,30
0,20
  Q21 4 Le manque de soutien technique
2,56
1,28
1,28
0,80
3,00
0,00
  Q21 5 L’absence des consignes claires du tuteur

2,53
1,24
2,00
1,05
1,44
0,16
  Q21 6 Le retard dans la livraison du matériel par le tuteur
2,06
1,21
2,05
1,12
0,04
0,97
  Q23 3 Le manque d’interaction avec le facilitateur
2,00
1,24
2,00
1,10
0,00
1,00
  Cours et matériel
Q22 1 Absence d'objectifs clairs
1,63
0,90
1,67
0,86
-0,15
0,88
  Q22 2 Les objectifs ne correspondent pas à mes attentes professionnelles
2,13
1,13
1,71
0,96
1,23
0,23
  Q22 3 Le matériel n'est pas assez diversifié
1,43
0,66
1,43
0,81
0,00
1,00
  Q22 4 L'absence de consignes claires dans les activités
2,40
0,89
1,81
0,93
2,01
0,05
  Q22 5 La mauvaise qualité de la langue
1,20
0,70
1,10
0,30
0,62
0,54

Préalables

Le facteur préalables est composé de cinq items qui ont peu constitué des barrières à l’apprentissage en ligne. L’ordre d’importance de ces items est différent dans les deux groupes (tableau 14). Une mauvaise connaissance des outils technologiques est le seul item qui différencie significativement les deux groupes de répondants (p ≤ 0,05).

Tableau 14: Distribution par groupe des valeurs des items du facteur préalables

Facteur
Items
Abandon
Persévérance
Test t
Valeur de p
 
Moyenne
Écart-type
Moyenne
Écart-type
 
Préalables (5 items) Q24 1 Une mauvaise connaissance de base en santé
1,12
0,32
1,19
0,40
-0,62
0,54
  Q24 2 Une mauvaise maîtrise de la langue
1,18
0,71
1,00
0,00
1,15
0,26
  Q24 3 La mauvaise connaissance des outils technologiques
1,88
0,96
1,38
0,59
1,99
0,05
  Q24 4 Le manque d'autonomie
1,18
0,51
1,19
0,68
-0,07
0,94
  Q24 5 Le manque de stratégie de planification de mes activités

1,53
0,70
1,43
0,68
0,46
0,65

Parmi les autres éléments rapportés par les répondants qui ont ou auraient pu influencer l’abandon au microprogramme on retrouve : les exigences du programme et la charge de travail trop importante pour des travailleurs à temps plein (7), l’absence de conditions mises en place par l’employeur pour faciliter le projet l’étude (3), le degré de compatibilité entre le contenu des cours et les besoins professionnels (2), des situations personnelles : décès, maladie, séparation (3), le manque de motivation (1), des problèmes reliés aux interactions avec l’université (lourdeur des processus, trop d’interlocuteurs, délais important…) (3).

Discussion

Considérant les taux moyens d’abandon élevé pour l’apprentissage en ligne (Audet, 2008 ; Gauthier, 2001; Karsenti, Tchameni Ngamo et Villeneuve; 2009), le taux d’abandon (30%) observé pour le microprogramme en santé publique semble plutôt faible. Toutefois, le fait d’échouer ou d’abandonner le premier cours est un prédicteur fort de l’abandon du microprogramme en santé publique. En effet, comme le relève Bourdages (1996) dans une recension d’écrits sur la persistance et la non-persistance aux études universitaires sur campus et en formation à distance, le début des études est un moment crucial dans la décision de persister ou non.

La persévérance des apprenants âgés de 44 ans et moins s’explique en partie par le fait que ce microprogramme leur offre des outils nécessaires à la planification de leur plan de carrière (contenu de cours essentiel à la pratique en santé publique). Par contre, la proportion élevée d’abandon chez les apprenants travaillant en première ligne et chez ceux qui habitent les régions éloignées est problématique puisque ce programme a été créé pour répondre spécifiquement à leurs besoins professionnels. En effet, l’accès à des programmes de 2e cycle en santé publique en régions éloignées est pratiquement inexistant au Québec. De plus, c’est en première ligne que les changements apportés par la loi sur la santé publique ont été les plus importants et ont modifié le travail des professionnels qui y œuvrent.

Selon qu’elle est imposée ou non, la motivation est extrinsèque ou intrinsèque et constitue un déterminant essentiel des performances dans les organisations (Ryan et Deci, 2000). Suivant cette distinction, il apparaît que les répondants de l’étude présentent une motivation intrinsèque importante puisqu’ils s’inscrivent principalement par intérêt personnel et parce qu’ils jugent les contenus de cours pertinents pour le développement de leurs compétences professionnelles. Cela corrobore l’étude de Cassignol-Bertrand, Baldet, Louche et Papet (2006) qui souligne que la motivation intrinsèque est significativement liée aux performances, à la satisfaction, à l'intérêt au travail, à l'équilibre psychologique et à la faible intention de quitter l'emploi. Par contre, la motivation extrinsèque, mise en œuvre pour répondre à des contraintes extérieures, semble peu présente. D’une part, peu de répondants, et uniquement ceux du groupe persévérance, ont affirmé s’être inscrits au microprogramme pour améliorer leurs conditions de travail et, d’autre part, aucun ne s’est inscrit parce que son employeur l’exigeait. Il est étonnant qu’aucun répondant ne se soit inscrit au programme à la demande de son employeur. En effet, le microprogramme en santé publique a été élaboré pour répondre à la demande du réseau de santé publique qui a soutenu financièrement son développement. La reconnaissance de ce microprogramme par les organisations ne semble pas encore acquise.

La principale barrière à l’apprentissage en ligne chez les répondants est la charge de travail due aux exigences d’un programme universitaire de 2e cycle. On peut reconnaître que la charge de travail a été un facteur considérable dans le choix d’abandonner le programme. Il faut rappeler que la clientèle visée par ce programme concerne les professionnels de la santé en exercice, donc qui travaillent pour la plupart à temps plein.

La deuxième barrière en importance est le temps et l’environnement immédiat. L’item manque de temps obtient la moyenne la plus élevée. Ce qui peut s’expliquer par le fait que les répondants doivent continuer à assumer pleinement leurs tâches et qu’ils disposent de peu de temps alloué pour leurs études sur leurs heures de travail comme il a été rapporté par quelques répondants. Un soutien limité de l’employeur favorise peu la mise en place de bonnes conditions d’études et contribue à créer un déséquilibre entre les obligations sociales, les contraintes professionnelles et les exigences de la formation. Ce déséquilibre défavorable à l'étudiant-travailleur à temps plein a poussé plusieurs répondants à l’abandon.

L’intégration sociale arrive en troisième position mais l’importance en est moindre avec la moyenne des items variant autour de 2 (peu) comme nous l’avons vu dans le tableau 11. Ce qui nous laisse croire que les apprenants, bien qu’en ligne, ont bénéficié d’un bon encadrement des professeurs et des tuteurs, d’une interaction sociale réelle avec les pairs grâce aux lieux virtuels de collaboration réduisant ainsi leur sentiment d’isolement. Les lieux virtuels de collaboration mettent en contact des professionnels novices avec des professionnels expérimentés enrichissant les stratégies pédagogiques et facilitant l’apprentissage.

Les habiletés technologiques constituent la quatrième barrière en ordre d’importance. Les participants au microprogramme maîtrisent les habiletés technologiques de base. Toutefois, dans le groupe abandon, les habiletés technologiques plus avancées (utilisation des logiciels d’interaction, de l’outil forum de discussion et des plateformes WebCT ou Moodle ont découragé plusieurs répondants à poursuivre le programme. Bien qu’une enquête sur les caractéristiques en matière de préférences pédagogiques et d’utilisation des technologies ait été réalisée auprès de la clientèle, certains professeurs n’ont pas tenu compte des recommandations du pédagogue lors de l’élaboration de leur cours (Farley, Tchameni, Malai, 2011).

L’intégration académique occupe la cinquième position et ne constitue guère une barrière à l’apprentissage en ligne. Le rôle des tuteurs en ligne s’est avéré un facteur facilitant de l’apprentissage dans les deux groupes. Ce qui souligne l’importance de former adéquatement les tuteurs. De plus, le choix de tuteurs provenant du milieu professionnel a sûrement contribué à ce résultat. La multiplicité de problèmes que vivent les apprenants les amène à avoir recours aux tuteurs qui les aident à trouver des solutions dans les espaces d’échanges prévus. Les tuteurs soutiennent l’apprenant dans la résolution des problèmes rencontrés et sont un élément-clé de l’apprentissage et de la persévérance dans un programme en ligne. Toutefois, le manque de soutien technique qui ne peut être résolu rapidement par le tuteur ou le soutien de l’université lorsque l’apprenant est en ligne et vit des problèmes liés à la manipulation de l’environnement informatique a été un facteur favorable à l’abandon. Enfin, certains répondants ont rapporté des difficultés rencontrées lors des interactions avec le personnel de l’université (lourdeur des processus, trop d’interlocuteurs, délais importants).

Les résultats concernant le cours (objectifs clairs, diversité du matériel, consignes claires dans les activités, qualité de la langue, objectifs ne correspondent pas à mes attentes professionnelles) laissent penser que le contenu répond aux besoins professionnels de la clientèle visée. Dans le groupe abandon l’item absence de consignes claires dans les activités laisse place à l’amélioration du matériel pédagogique. Ces résultats corroborent les données recueillies lors de la passation des formulaires d’évaluation des cours complétés par les étudiants depuis le début du programme et qui ont permis d’apprécier, de façon générale, les taux de satisfaction (plus de 80%) et d’atteinte des objectifs proposés (plus de 90%) pour chacun des cours du microprogramme (Tchameni Ngamo; 2010).

Lorsqu’il s’agit des préalables, seul l’item mauvaise connaissance technologique différencie les deux groupes et est plus important pour le groupe abandon. Les cours sont jugés accessibles pour les professionnels œuvrant en santé publique qui ne sont pas issus des disciplines de la santé. Ce résultat est intéressant puisque la clientèle visée se compose de professionnels de la santé, de l’éducation et des sciences sociales (infirmières, psychologues, travailleurs sociaux, sociologues, psychoéducateurs, kinésiologues). L’enseignement en ligne et la formation continue exigent une autonomie de l’apprenant qui doit être capable de prendre en charge son apprentissage et d’assumer la responsabilité des décisions sur différents aspects de cet apprentissage. Les apprenants admis au microprogramme semblent avoir cette autonomie.

Suivant le modèle utilisé pour l’étude, on peut conclure que l’intégration académique et l’intégration sociale et professionnelle sont incomplètes pour plusieurs répondants qui n’ont pu concilier adéquatement toutes les exigences de la formation avec les engagements reliés à la famille, au réseau d’amis et au travail (surtout la charge de travail, le manque de temps et la capacité à utiliser l’environnement informatique). De plus, des facteurs personnels et des imprévus (décès d’un parent, séparation familiale, maladie, manque d’intérêt) ont aussi compté parmi les barrières à l’apprentissage.

Ces résultats confirment ce qui est déjà connu sur l’abandon et la persévérance. Ils corroborent notamment la recension des écrits (Audet, 2008; Bourdages et Delmotte, 2001 ; Kember, 1989; Poellhuber, Chomienne et Karsenti, 2008; Sauvé, Wright, Debeurme, Fournier et Fontaine, 2005; Tyler-Smith, 2010) sur les facteurs d’abandon et de persévérance: manque de temps, conditions de travail peu propices à une bonne intégration études-travail et vie sociale, manque d’engagement par rapport à ses buts, manque de soutien technique, problème de gestion des activités d’apprentissage et des travaux à remettre, manque d’expérience et d’habiletés avec certains outils technologiques en formation à distance.

Au demeurant, cette étude présente certaines limites. Le nombre de répondants nous incite à considérer ces résultats avec prudence. Toutefois, le taux de réponses (67,24%) a conduit à l’obtention de résultats fiables pour plusieurs variables puisque des différences significatives ont été dégagées entre les deux groupes de répondants.

La pertinence et l’utilité de cette étude militent en faveur de la consolidation du microprogramme en santé publique. La qualité du contenu de la formation et la qualité des interventions ont été évaluées positivement par plusieurs répondants: cours très pertinents et enrichissants, enseignants et tuteurs disponibles, stimulants et compétents, apprentissage rapide, flexible et attractif, milieu familial très soutenant et compréhensif (Tchameni Ngamo, 2010). Dans le but de prévenir les abandons et de favoriser la mise en place de stratégies pouvant accroître la persévérance au microprogramme, des recommandations sont formulées.

Conclusion et recommandations

Cette étude sur les barrières de l’apprentissage en ligne souligne le caractère complexe des facteurs explicatifs de la persévérance et de l’abandon des études dans le cadre du microprogramme en santé publique. Compte tenu de cette multiplicité de barrières de l’apprentissage en ligne, il ressort que les conditions ne sont pas toutes réunies au Québec pour soutenir le développement des compétences en santé publique, particulièrement au niveau local. L’amélioration des conditions entourant le projet d’études permettrait aux apprenants de gérer adéquatement les exigences de la formation et les engagements relatifs aux milieux professionnel, familial et social. En outre, plusieurs solutions sont possibles pour accroître la persévérance:

Un programme de formation continue qui privilégie l’apprentissage en ligne aurait donc besoin d’un soutien multiforme pour accroître la persévérance aux études des apprenants. Ainsi, le renforcement des capacités organisationnelles doit être envisagé selon une approche organisationnelle, ouverte à l’apprentissage et au changement et non selon une approche individuelle.


Références

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Céline Farley détient une maîtrise en santé communautaire de l’Université de Montréal et un doctorat en médecine sociale de l’Institut Karolinska de Stockholm. Chef de l’unité développement des compétences à l’Institut national de santé publique du Québec et professeure adjointe de clinique au département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal. Son principal intérêt est le développement de stratégies et de mise en place de mécanismes qui permettront de renforcer les compétences des professionnels œuvrant en santé publique au Québec. E-mail: mceline.farley@inspq.qc.ca

Salomon Tchameni Ngamo est titulaire d’une maîtrise en administration de l’éducation et d’un Ph.D. en psychopédagogie de l’Université de Montréal. Professionnel de recherche à l’Institut national de santé publique du Québec et conseiller en formation à distance, il assure le soutien technopédagogique aux étudiants du microprogramme en santé publique. Son centre d’intérêt est l’intégration pédagogique des TIC dans le processus de développement des compétences. E-mail: salomon.tchameni-ngamo@inspq.qc.ca