Managing Technology in Higher Education: Strategies for Transforming Teaching and Learning, A.W. (Tony) Bates et Albert Sangrà. (San Francisco: Wiley, 2011, 262 pp.).

Raymond Duchesne

VOL. 26, No. 1

Il n’y a pas si longtemps, la tâche des dirigeants d’université était relativement simple. Ils devaient solliciter pour leur université la générosité des mécènes et des pouvoirs publics, attirer les meilleurs professeurs et maintenir la discipline chez les étudiants. Aujourd’hui, ils doivent affronter un tout nouveau défi, beaucoup plus complexe : gérer les technologies de l’information et de la communication (TIC). Le défi est réel : en Amérique du Nord, 90% des universités et collèges utilisent une sorte de « learning management system » (comme Moodle ou Blackboard). Les étudiants s’attendent à pouvoir traiter avec leur alma mater via le web pour le choix des cours, l’accès à la documentation et toutes les questions administratives. Enfin, les administrateurs exigent sans relâche des systèmes d’information de gestion plus puissants.

Heureusement pour les présidents et les recteurs, un nombre croissant de chercheurs et d’auteurs se sont portés à leur secours. Parmi ceux-ci, Tony Bates et Albert Sangrà, qui proposent une véritable « feuille de route », non seulement pour faire face à la montée des TIC sur les campus, mais pour transformer l’enseignement et l’apprentissage. Le premier est un consultant de réputation internationale en e-learning et en éducation à distance. Le second est directeur de la recherche et de l’innovation en éducation à la très dynamique Université ouverte de Catalogne, à Barcelone. Leur travail repose sur l’étude d’une trentaine d’universités et de collèges, appartenant à des environnements culturels et linguistiques très diversifiés. Aucun des aspects du problème ne semble avoir échappé à leur analyse : l’ouvrage couvre le design pédagogique, la formation des enseignants aux TIC, l’accessibilité pour les étudiants, le rapport coût-bénéfice de l’intégration des TIC sur les campus, etc. Le résultat est un guide fort pratique pour quiconque doit gérer la marée montante de la technologie, tout en essayant de ne pas répéter les erreurs de ceux qui l’ont précédé.

L’approche est pratique et résolument didactique. Il y a même un « executive summary » pour les recteurs trop pressés ! Après un chapitre sur l’université contemporaine et un survol des « nouvelles technologies » en éducation, on passe au vif du sujet : l’importance du leadership universitaire dans la promotion des TIC, la gouvernance des TIC, l’évaluation et l’assurance qualité, l’allocation des ressources et l’analyse coût-bénéfice et, finalement, les obstacles les plus courants au changement technologique.

Chemin faisant, les auteurs disposent efficacement de quelques mythes. Par exemple, les universités doivent se tourner vers les TIC, non pas parce qu’elles doivent répondre aux préférences des « digital natives » ou des « génération Y », mais parce que c’est là le meilleur moyen de préparer des étudiants dont le profil sociodémographique s’est beaucoup diversifié (le retour des adultes sur les campus est un phénomène généralisé) à la société du XXIe siècle. À l’heure où les États se désengagent du financement de l’éducation postsecondaire, les TIC permettent également aux universités de remplir leur mission tout en préservant leur équilibre budgétaire.

L’ouvrage est plein d’observations fort pertinentes et fort utiles sur l’intégration des TIC dans tous les aspects du fonctionnement des universités. Mais le message persistant des auteurs et auquel ils reviennent sans cesse, est que les universitaires ont péché jusqu’à présent par excès de timidité et de prudence dans l’usage des TIC. « Too often in the case studies, vision was limited to supporting current administrative processes and classroom teaching methods, rather than using technology to lever radical change directed at new and better learning outcomes, greater flexibility for students, and increased cost efficiencies that are measurable through a formal process of evaluation. » Pas étonnant, concluent-ils, que de grands projets technologiques aient laissé les professeurs désillusionnés, les étudiants frustrés et les administrateurs désargentés.

Bates et Sangrà demeurent, malgré tout, des optimistes. Ils persistent à penser que grâce au leadership éclairé des administrateurs universitaires et à une meilleure formation des enseignants eux-mêmes dans l’usage des technologies –formation qu’ils rendraient obligatoire s’il n’en tenait qu’à eux ! -, celles-ci finiront bien par transformer l’université. C’est un optimisme qu’il est difficile de partager complètement quand on considère le conservatisme profond d’une institution qui remonte au Moyen Âge. Les recteurs que cette observation ne décourage pas et qui voudront malgré pousser les technologies dans leur institution auront tout intérêt à lire attentivement l’ouvrage de Bates et Sangrà : il leur évitera au moins de répéter les douloureuses erreurs des autres.

Raymond Duchesne est le Directeur de TÉLUQ at l'Université du Québec à Montréal. E-mail: Duchesduchesne.raymond@teluq.uqam.ca